[I&II] Aissam et les Filles

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« Haneia... elle va devoir avorter

— Comment ça ? Pourquoi ? Quand ? m'interroge Thislim interloquée

— Elle a rendez-vous dans trois jours

— Mais qu'est-ce qu'il se passe ?

— On a été faire la deuxième échographie aujourd'hui. Résultat : Le bébé a deux gros kystes au cerveau. Il va pas survivre et il y a de grands risques qu'il soit aveugle. Il a aussi une malformation cardiaque, je lui explique en m'asseyant à table

— Oh non, j'suis désolée. J'sais même pas quoi te dire, s'exprime-t-elle l'air déboussolée en s'asseyant

— T'sais que... j'me sens même pas totalement triste

— Non... dis pas ça

— J'te jure. J'me suis dit "ah, ça craint pour elle" mais moi-même, j'ressens pas de réelle tristesse. En fait, j'me sens pas concerné

— Arrête, c'est ton enfant

— Ouais mais j'sais pas. J'ai pas de réelle attache. Si l'enfant était né, sûrement mais sinon, j'ressens pas de tristesse particulière. J'suis un monstre ? je l'interroge en la regardant enfin dans les yeux

— Oui, confirme-t-elle en soutenant mon regard

— Non, sérieux

— Sincèrement, j'pense que t'as pas pu te familiariser avec le bébé. Déjà, c'est pas toi qui le portes, ensuite t'as pas d'attache avec Haneia

— Ouais, certainement, je lui accorde en faisant mine de réfléchir. Mais on s'entend bien elle et moi. Ça m'a fait mal pour elle

— Surtout ne la lâche pas. Apporte lui ton aide, va la voir et tout, me conseille-t-elle

— Ouais, d'office, tu m'as pris pour qui ?

— Sait-on jamais. Et vous avez tous deux pris la décision de l'IMG ?

— Non, elle seule, je lui ai laissée le choix. Elle n'a pas envie de faire souffrir l'enfant et je la comprends. En plus,b y a beaucoup de risques de mortinatalité

— Tu sais, Dieu est grand. Si ça se trouve, c'est qu'une frayeur médicale qui se réglera. La science n'a pas toujours raison

— C'est ce que je lui ai dit mais elle est butée

— Oh la pauvre, j'ai trop mal au coeur

— Alors que c'est ta rivale ?

— Ma rivale ? répète-t-elle en me toisant

— C'est une blague, détends-toi, je dédramatise en lui attrapant le genou

— Ouais mais blague pas avec ça, c'est trop frais, me stoppe-t-elle avec nonchalance. Et que je la porte dans mon coeur ou pas, j'peux pas me réjouir de son malheur parce que je sais ce que ça fait de perdre son enfant. Certes, c'était pas dans les mêmes conditions mais la douleur psychologique est pareille donc sois présent pour elle

— Ouais... Me fais pas la même chose s'il te plaît, toi ce sera pas pareil, je lui confie en posant ma main sur son ventre

— La seule issue est de prier. Vas-y mange, ça va se refroidir »