[I&II] Aissam et les Filles

[19]

«  Qu'est-ce qu'il y a ? C'est le bébé ? T'as mal au ventre ? j'enchaîne d'un ton inquiet

— J'crois que c'est lui

— Hein ?

— J'ai reconnu ses mains et sa voix

— Lui de quoi ?

— C'est lui qui m'a violée, dévoile-t-elle en plantant son regard dans le mien. C'est ton cousin »

Non. Non, non, non. C'est pas possible. Je ne peux pas le croire, c'est tout simplement impossible. Louaï ? Mon gars sûr ? Le mec avec qui j'ai d'emblée eu des atomes crochus ? Le gars qui squatte chez moi ? Chez qui j'allais manger ? Avec qui j'passais des soirées ? Avec qui j'me suis lié d'amitié en si peu de temps ? Non, c'est impossible, il doit y avoir erreur sur la personne. Pourtant, elle n'étayerait pas des allégations si téméraires sans y avoir préalablement médité. Mais je ne peux pas y croire. Je ne veux pas y croire.

La stupéfaction et le choc m'ont tellement pris de court que je reste bouche bée, à mi-chemin entre le fait de la croire ou ne pas la croire. Elle peut se tromper, non ? Le confondre avec quelqu'un ayant la même carrure et le même timbre de voix.

Néanmoins, son langage corporel ne ment pas. Ses bras sont croisés, pareil pour ses jambes ; elle se crée une sorte de bouclier et ce depuis qu'elle est revenue de sa longue virée dans la cuisine, durant laquelle elle a hypothétiquement réfléchi à tout ce grabuge. Je pensais que sa froideur envers lui était due à sa mauvaise humeur du jour mais c'est tout autre chose... Putain de merde. Elle doit se tromper.

« T'es sûre que c'est lui ? je l'interroge à voix basse en me grattant la tête

— C'est lui, je pourrais jamais oublier sa voix et ses mains. Je l'ai entendu te dire exactement la même chose qu'il m'a dit Aissam. "Ta gueule salope". C'est lui

— ... t'es sûre Thislim ?

— Tu me crois pas ? me demande-t-elle la voix tremblotante

— Si, je rétorque en m'approchant d'elle pour la rassurer. Je-

— Me touche pas Aissam, me touche pas ! me défend-elle en reculant »

Dès lors, elle s'écarte de moi pour aller appuyer ses paumes sur le dos du fauteuil et commence à respirer de plus en plus fort, de plus en plus bruyamment, comme si elle extériorisait une pression qu'elle accumulait en elle depuis un moment, en l'occurence depuis qu'elle avait rencontré Louaï.

Petit à petit, les larmes s'y mêlent et elle entre dans une véritable crise de panique, comme le jour où j'ai été la voir à l'hôpital après sa tentative de suicide. Et elles ne cessent plus, elles coulent à flots pendant de longues secondes malgré mes tentatives d'apaisement. Je tente de la rassurer en lui disant de se calmer, que je suis à ses côtés maintenant, qu'elle n'a rien à craindre avec moi. Je m'essaye même à un exercice respiratoire avec elle afin qu'elle reprenne son souffle car son état lui entraine de grosses difficultés respiratoires mais rien n'y fait, elle est toujours aussi larmoyante et ça me fend le coeur.

« Bébé, regarde-moi, je lui enjoins en lui attrapant le menton. J'suis là, arrête de pleurer. J'suis avec toi, il ne va plus rien t'arriver d'accord ? Arrête d'angoisser