Chapitre 1

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Je courais. Je courais jusqu'à perdre haleine, les rues défilant sous mes yeux. Quelque chose m'oppressait la poitrine, était-ce l'angoisse qui me rongeait un peu plus à chaque pas? Je ne pouvais le dire, trop concentrée à pousser sur mes jambes pour aller le plus vite possible. Et cela pour une seule raison: fuir. En réalité, je ne savais pas trop ce que je fuyais.

La nuit tombait et les ruelles se faisaient sombres, je rentrais chez moi avec la ferme intention de m'affaler sur mon lit. Puis, alors que je pressais le pas j'eus cette impression désagréable que l'on m'épiait depuis l'obscurité. Je me retournais pour vérifier mes arrières tout en constatant que je n'y voyais pas grand chose, et pour cause cette rue ne comportait pratiquement aucun lampadaire. Soulagée, je me rendis compte que personne d'autre à part moi ne se trouvait dans cette rue. Je me dépêchais tout de même en me disant que mon imagination était beaucoup trop fertile. Malheureusement, mon soulagement fut de courte durée. Soudain, un souffle chaud vint me chatouiller l'oreille. Un frisson glacé remonta le long de ma colonne vertébrale lorsqu'une voix rauque et moqueuse me chuchota à l'oreille les mots suivants:
"Je sais que tu es l'une des leurs, et ça ne sert plus à rien de fuir désormais. Je suis tes pires peurs et je vais adorer te faire souffrir jusqu'à trépas."

Tous les sens en alerte, je me retournais vivement en scrutant intensément chaque centimètre de la petite ruelle obscure. Mon cœur battait à tout rompre alors que mon angoisse montait crescendo. Je me mis à courir pour atteindre l'intersection suivante. Les seuls bruits audibles étaient le bruit de mes pas et de ma respiration saccadée. Cela mis à part c'était le silence total, un silence lourd, augmentant mon angoisse peu à peu. Paniquée, je promenais mon regard partout à la recherche d'une issue possible. Je ne reconnaissais plus rien et mon cerveau en surchauffe peinait à analyser mon environnement.

Je m'arrêtais à bout de souffle en tentant tant bien que mal de me repérer. Je connaissais pourtant cette ville comme ma poche mais là j'étais totalement perdue. La peur avait pris le dessus sur ma raison durant toute ma course effrénée et je me rendais compte seulement maintenant que je n'étais même plus dans mon quartier. Apeurée, j'essayais de retrouver mon chemin en faisant demi-tour. Cela ne m'aida en rien et je me retrouvais très vite dans un cul-de-sac. Je fit volte face et me retrouvait nez à nez avec une grande silhouette dont les habits sombres détonnaient sur sa peau d'albâtre.

J'observais avec une frayeur irrépressible sa bouche qui se tordait en un sourire carnassier laissant entrevoir ses dents aussi acérées que des lames de rasoirs, ses joues creuses et ses cheveux noirs corbeaux. Mais ce qui me terrifia le plus furent ses yeux entièrement noirs, deux abysses sans fins. Son regard hypnotique provoquait une peur insoutenable en moi. Je reculais pour essayer de m'éloigner de lui, ce qui, inévitablement, me rapprochait du fond de l'impasse. Alors que je me trouvais pratiquement collée au mur, je réfléchis à toute vitesse afin de trouver une échappatoire. Malheureusement, il était un peu trop tard pour tenter quoi que ce soit maintenant que j'étais acculée. Le poids qui m'oppressait la poitrine depuis tout à l'heure augmenta encore jusqu'à m'étouffer.

Cet homme, ou plutôt cette chose, avança encore d'un pas, ce qui suffit pour que je me retrouve le dos pressé contre le mur. Il mit ses bras de chaque côté de mon corps, pour être sûr que je ne m'échappe pas.

Doucement, il avança un doigt vers ma joue et se mit à la caresser avec sa phalange. Puis, il se mit à susurrer des mots d'une voix basse et douce:
"Tu es si fragile... C'est tellement simple de te briser pourtant je le sens. Je sens que tes capacités sont hors normes. Mais tu te laisses avoir comme une débutante."
Je n'essayais même pas de comprendre son charabia tellement j'étais tétanisée par son toucher. Puis sans crier gare, il enfonça ses longs ongles noircis de crasse dans la chair tendre ma joue. Je poussai un petit couinement qui renforça son sourire carnassier. Son ongle glissa ensuite le long de mon cou et s'approcha dangereusement du col de mon T-shirt.

Je me pressais un peu plus contre le mur pour essayer de me soustraire à son doigt baladeur. Le désespoir transpirait par chaque pore de ma peau. Mes yeux s'embuèrent alors que je prenais réellement conscience de la fâcheuse situation dans laquelle je me trouvais. Et de ce qui allait m'arriver dans quelques instants... Allait-il me violer? Sûrement. Allait-il me tuer? Peut-être. Vu comme il me regardait, je ne doutais pas qu'il prendrait un plaisir fou à me voir souffrir. Mais de là à me tuer, j'espérais pas. Lorsque son ongle noirâtre continua son chemin un peu plus bas dans mon décolleté, je le stoppai d'une main. Cette action déclencha un grand rire lugubre chez mon agresseur. Quand il eut fini sa petite crise d'hilarité il attrapa d'une main mes deux poignets qu'il maintint au-dessus de ma tête. Je tentai désespérément de me dégager de son emprise alors qu'il sortait un objet de sa poche arrière.

La première chose que je vis fut le reflet de la lame dans la lumière du réverbère. Alors je compris qu'il s'agissait d'un couteau, enfin... plus précisément d'un poignard. La lame était minutieusement aiguisée et son manche finement ciselé. Il l'approcha de ma mâchoire pour le presser contre la peau délicate de ma joue, qu'il entailla sans scrupules. Une larme coula et vint se mélanger au sang qui perlait de l'entaille.

Maintenant j'étais sûre de ses intentions: il voulait me tuer.

Cette pensée accapara toute mon attention et me fit perdre l'infime espoir que j'avais de m'en sortir. La pression sur ma poitrine devint insupportable jusqu'à me couper le souffle. Je fus prise de tremblements et d'une bouffée de chaleur soudaine. Mais que m'arrivait-il? Mes jambes me lâchèrent d'un coup et je m'écroulais par terre, aux pieds de mon bourreau. J'entendis vaguement des voix se diriger vers nous. Puis, mon assaillant se fit projeter sur le mur, à quelques centimètres seulement de moi. J'eus juste le temps de voir une ombre se diriger vers l'homme à mes côtés, alors que quelqu'un se précipitait vers moi. Dans l'obscurité je ne vis pas grand chose à part le fait que c'était un homme. Mais je distinguai tout de même ses yeux. Ils n'avaient rien de particulier, après tout, ils étaient couleur chocolat. Mais ce qui me frappa, c'était les deux cercles dorés autour de ses pupilles. Exactement comme moi. Il se pencha pour me prendre dans ses bras alors que j'étais prise de convulsions. Il me regarda un instant avant de me demander tout bas:
"Pourquoi as-tu envoyée ton Sheïla avec une telle puissance? Maintenant c'est presque sûr que tous les Vaëlirs vont rappliquer."
Je ne comprenais absolument rien à ce qu'il me disait mais bon, l'essentiel, c'était qu'il ait pu me secourir. Maintenant que toute la peur était retombée, je me sentais vide, mais surtout j'étais épuisée. Alors qu'il me portait, je me sentis glisser tout doucement vers le sommeil. Ou peut-être était-ce vers l'inconscience? A vrai dire je m'en fichais, car à ce moment là, une chose importait: dormir. Alors que je fermais les yeux, j'eus juste le le temps d'entendre mon sauveur parler à quelqu'un:
"Il faut l'emmener sur Luma et l'interroger dès son réveil."
Quoi? Non! Je voulais rentrer chez moi. Mais je n'eus pas la force de protester et je sombrai dans un sommeil réparateur.

EnchanteresseWhere stories live. Discover now