CHAPITRE XV - J'APPRENDS A FUIR

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On me ramena dans ma cellule. Les hurlements de la fille résonnaient dans ma tête, lancinants, me ramenant, eux, à ma raison : il fallait que je sorte.

Je me laissais traîner tout le long du chemin, jetant des coups d'œil affolés un peu partout, en quête d'une solution. La serrure cliqueta et les ténèbres revinrent, avec leurs couinements et leurs murmures. Coincé.

Je hurlai, la voix cassée et frappai faiblement contre le mur de mes paumes écorchées. Personne ne vint. Je finis par m'écrouler au sol en hoquetant, le goût du sang s'attardant sur ma langue.

- Hello !

Je toisai le nouveau venu, l'élève d'Eton, mon frère qui folâtrait avec ces rats.

- T'as pas l'air en très bonne forme, dis donc. Tu pues. Il va falloir remédier à ça, ça perturberait la cérémonie de ce soir.

La panique m'étrangla mais je trouvai la force d'articuler quelques mots.

- Tu dis ? fit l'autre en fronçant les sourcils.

Dieu s'en souviendra, avais-je dit. Mais je me rendais compte que je n'y croyais plus. Dieu nous avait livré à nous-mêmes, si ce ne fût déjà nous-même. Il ne pouvait rien pour nous.

- Que cherchez-vous ? repris-je donc en haussant le ton.

- Oh ! Eh bien, comme tous ici-bas, le pouvoir de réaliser notre rêve.

- Je veux vous aider.

Il sourit et ses dents étincelèrent dans la pénombre. Je pris une inspiration.

- Lèves-toi alors.

Je me redressai sur les genoux, quittant mon coin puant avec difficulté. L'autre ne fit pas mine de m'aider, il en tâcherait sa chemise amidonnée. Soufflant comme un bœuf, je finis par me lever, lourdement appuyé sur le mur.

Me précédant le pas, l'autre me dirigea jusqu'à une petite pièce d'eau et m'y enferma. Evidemment, pas de fenêtre et pour seule lumière une minuscule flamme qui ne pouvait pas faire grand mal. Je me lavai lentement le visage et l'eau se teinta de rose. Je retins un haut le cœur puis toquai à la porte. Mes mains tremblaient.

Je savais où nous allions. Dans les égouts. La peur faisait battre mon cœur plus vite, me donnant la force de mettre un pied devant l'autre.

- Tiens.

- Ne le fais pas, me chuchota la voix de la fillette brune, à mes côtés.

Il me jeta une robe noire et s'avança à grands pas vers l'escalier sans porter attention à ma folie. Folie que je me refusais à écouter. Je me préparai. Le tissu soyeux glissa de mes mains jusqu'au sol et je le piétinai. Quand le traître s'engagea dans l'escalier abrupt, je le percutai de tout mon poids, de toutes mes forces. Ça ne manqua pas ; il dégringola jusqu'en bas. Et moi aussi.

Je lui rebondis sur le dos avec un grognement. Aussitôt, je voulus me relever pour partir mais je retombai, en proie au vertige. Alors, je me mis à ramper, m'écorchant le ventre, les coudes, avalant l'eau croupie. Mais j'avançai, c'était le principal.

Derrière moi, l'autre poussa un râle. Je n'avais plus beaucoup de temps. Nouvelle tentative. Je m'écroulai à nouveau et la fureur m'envahie. La fureur de vivre et celle de savoir que j'avais posé ma dernière carte.

- A moi ! hurla ma victime en me fixant, un sillon rouge lui barrant le visage.

J'accélérai le mouvement mais j'étais définitivement trop lent, j'entendais déjà des cris et des pas pressés faire écho dans le tunnel. Toute façon, même si je m'en sortais, je risquai fort de mourir d'infection, de maladie ou que sais-je d'autre horreur. Pas de mal donc.

CUPIDITASWhere stories live. Discover now