CHAPITRE XXXII - LE CORBEAU

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- Monsieur Carlyle... ?

- Hallooo !

- Avez-vous bu, Monsieur ?

- Alkohol ? Nicht !

Samuel finit par s'écarter en j'entrai pour m'étaler sur le carrelage. Mon regard croisa celui de Hawkins et nous éclatâmes de rire. Je me tirai sur tout le long du hall à la force des bras, mimant un crawl. C'était hilarant.

- Monsieur... ?! Hawkins, qu'est-ce que vous lui avez fait ? s'exclama Samuel en m'attrapant sous les aisselles pour me poser sur un divan.

Son visage prit une teinte violet pruneau et sembla gonfler comme tel. Le fou rire me prit de nouveau aux tripes. Je tombai du canapé, tête la première.

- Disons qu'il était un peu déprimé. Mais regarde-le, maintenant il est content ! Hein Carlyle ?

- Ja !

- Pourquoi il parle allemand ? s'enquit Samuel avant de se raviser, l'air consterné. Laissez tomber... A-t-il beaucoup bu ?

- Pas plus que moi, avança Hawkins en arquant un sourcil, le poing posé sur le menton, tentant visiblement de paraître sobre.

Sauf qu'il tremblait, les pupilles dilatées, l'air de planer. Je me souvins soudain de la petite pipe qu'il gardait cachée dans ses poches et je m'accrochai à son pantalon.

- Gib mir !

Imperturbable, il secoua la jambe pour me décrocher et se racla consciencieusement la gorge. Samuel poussa un soupir équivoque et me rassit une deuxième fois sur le divan. Je lui vomis dessus.

- Il ne supporte pas aussi bien que vous et l'alcool et la drogue.

- Es ist falsch!

- C'est de l'opium, c'est pas censé faire cet effet-là ! se défendit Hawkins en se résignant à montrer la pipe.

En voyant le petit objet en ivoire, j'eus tout à coup beaucoup moins envie de fumer. Mon euphorie me quitta si brusquement que je me pliai en deux.

- Bien... Aidez-moi à l'...

- Clepsydris metiuntur finis accipit... Le sablier est écoulé.

Je levai lentement mes yeux remplis de larmes sur les deux jeunes gens. Quelque chose se brisa en moi, comme une corde sur laquelle on tire trop brusquement et qui finit par claquer d'usure.

Coma éthylique.

J'attendais.

J'attendais depuis une heure maintenant, dans un des étroits confesseurs de la cathédrale Saint Paul, afin d'être sûr que personne n'ait pu me voir avant mon rendez-vous avec un des généraux de Crow. J'avais appris trois choses sur le chef mystérieux de la SilentDead : on ne pouvait apercevoir le Corbeau qu'auprès de notre dépouille ; il était diablement intelligent, sans pitié, et c'était mon frère.

Autant mettre toutes les chances de mon côté, donc.

Les mains tremblantes, je relus le texte que j'avais préparé et passai ma langue sur mes lèvres sèches. Il était définitivement nul, indigne d'un grand orateur tel Aaron... Et pourtant, je serais obligé de le déclamer aujourd'hui, dans quelques minutes, pour sauver mon ami.

Mon bout de doute se rappela à mon souvenir, récalcitrant, comme à chaque fois que je songeai à Schoemaker depuis quelques jours. Mais impossible de mettre le doigt dessus. Vaguement en colère, je me frappai le front du plat de la main.

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