CHAPITRE XXI - LES SECRETS, QUAND Y EN A TROP, TES YEUX DISENT STOP

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Une nouvelle dimension s'ouvrit à moi.

Les mots n'existent pas encore pour la décrire. N'existerons peut-être jamais. Ont déjà existé. Il n'y a plus de temps, le futur est passé et le présent est à venir. La pomme de Newton flotte devant mon nez, se délite en petits papillons qui se transforment en vibrations musicales.

Un monde de possibilités infinies sans loi ni logique.

Retomber sur ses pieds fut dur. Mes sens qui s'étaient déployés en branches interminables, étaient aveuglés. Je me retrouvai avec des enclumes aux pieds, fermement reliées au sol. Même la douleur qui enserrait mon biceps paraissait ridiculement unique.

- Je vais te trouver !

Un peu plus et je sombrai dans le désespoir. La douce voix d'Alexeï avait su me rappeler où était mon devoir et où était ma réalité.

Des pas martelèrent le pavé et le bruit reconnaissable entre mille d'une lame qui voit le clair. Courageusement, j'avançai d'un pas, d'un autre, vers mon destin. J'avais assez donné dans la mort.

Bref, j'ai couru. Dans l'autre sens.

Enfin, j'essayai, parce qu'un poids s'abattit sur moi et me plaqua au sol. Mon menton cogna brutalement au sol. A moitié sonné, je me débattis en donnant des coups de pieds à l'aveuglette. Un grognement étouffé m'informa que j'avais touché ma cible. Je bondis sur mes pieds, le pantalon à moitié baissé. Héroïquement, je le remontai d'une main en plongeant au sol alors qu'un poing furieux battait l'air au-dessus de moi. J'attrapai la première chose qui venait et la balançai à la tête d'Alexeï qui se mouvait avec une précision et une vitesse effrayante. Ça ne lui empêcha pas de se prendre le pavé en pleine tête.

Il s'effondra, replacé par une silhouette familière qui accourrait. Il ne fallait pas pousser trop loin l'héroïsme, je pris la fuite à toutes jambes.

Malheureusement, je m'étais perdu. Longtemps après que les halètements rageurs d'Alexeï eurent disparus (vous ne pouvez pas savoir qu'est-ce qu'on court vite, affamé et diminué, quand votre pire cauchemar vous poursuit en hurlant de rire), j'errai toujours quelque part entre Southwark et Lambeth.

Je finis par m'arrêter en bâillant si fort qu'un passant matinal me regarda de travers et m'assis à même le sol humide.

Que mon père, penser à lui me fit mal au cœur, m'ait obligé à apprendre la géographie de Londres pour que je lui succède efficacement aux côté d'Aaron, ne me servait pas à grand-chose. Sur une carte, les rues tortueuses semblaient bien propres et rangées. En réalité, des rues couvertes, des passages de traverses et autres se dressaient entre moi et le Wealth Palace, rendant toute orientation impossible. De plus, bachoter n'avait jamais été mon truc.

- Pff...

Je me passai une main dans les cheveux. Ils n'avaient jamais été si emmêlés et un instant, j'eus peur que ma main y reste collée. Un soupir m'échappa de nouveau, puis un bâillement qui manqua de me faire étouffer quand je vis l'homme en face de moi.

C'était peut-être dû au fait que mes lunettes n'étaient plus qu'un lointain souvenir mais j'avais l'impression que cet homme n'avait plus qu'un gouffre béant à la place d'un ventre. La partie raisonnable de mon cerveau m'informa que je ne voyais pas si mal. L'autre partie me jura qu'un homme avec un trou dans le ventre ne pouvait pas tenir debout. Je lui répondis poliment d'aller se faire foutre.

Voyant que je l'avais vu, l'homme s'approcha, l'air visiblement content. Il me salua d'une courbette profonde et je me sentis un peu bête, assis dans la merde.

CUPIDITASWhere stories live. Discover now