CHAPITRE XXXVI - SI VIS PACEM PARA BELLUM

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Le hurlement fut si discordant, si horrible et puissant qu'un instant... un terrifiant instant... je crus le monde perdu. Mon crâne me faisait si horriblement souffrir de ce cri inhumain, cette voix me sommait si fort de me libérer brisait mon esprit, ma raison protestait avec un tel désespoir que je n'y voyais plus que ténèbres incertaines...

J'étais depuis des jours, un arc tendu qui se tendait un peu plus chaque seconde. Et il y avait cette flèche mortifère à la soif insatiable que je retenais.

La corde lâcha dans un silence parfait avec un bruit sec et définitif pour aller se planter droit dans le cœur de ce misérable roi.

La déflagration ne parvint jamais à mes oreilles. La balle ne m'atteignit pas ; elle suspendit sa course mortelle à quelque centimètre de ma tête. Le ciel se confondit avec le sol, l'air se distordit.

Une silhouette évanescente se précipita d'un bond de fauve sur Hawkins pour l'étrangler. Les deux fantômes roulèrent au sol mais peine perdue, Louis avait la poigne plus ferme et sûre que l'étreinte d'une corde et en un instant ce fut fini. Hawkins expira son dernier souffle.

Dans un état second, je fis un pas de côté, tout mon être tendant vers la scène qui se déroulait devant moi. Un deuxième pas, plus dur que le précédent, mon corps résistait à mon esprit. Un troisième...

Je levai la main pour soulever le poids d'une montagne, élevant mes doigts vers le cylindre étincelant. La sueur perlait et s'évaporait dans l'intermonde dans lequel je campai. Enfin, le métal froid imprima sa douce empreinte sur ma peau.

J'ai réussi...

En moi, je sus que j'avais franchi une frontière inconnue et interdite.

J'ai réussi !

Mon bras retomba brusquement, la balle blessa ma main soudain brûlante, Louis m'apparut derrière son canon fumant, flambant d'un désir vengeur alors que Hawkins criait mon nom. Avant qu'il l'assouvisse, j'éclatai d'un rire éraillé, désincarné et proprement terrifiant.

Tous se figèrent.

Sur mon cou s'imprima la brûlure acide de volontés refoulées.

Ne regarde pas en arrière, va.

J'ouvris la main. La balle tinta sur le sol. Complétement détaché, j'observai ma paume dégoutant de sang. C'est presque si j'entendis l'air crépiter d'une peur primaire.

- Louis, tel ton homonyme, tu risques d'y perdre la tête, à défier ce que tu ne peux, déclarai-je enfin, l'impression de ne plus être moi-même.

- Jacques, va chercher les gars, aboya Louis en français.

- Je te conseille de ne pas te détourner ! attaquai-je en avançant d'un pas.

Une confiance terrible m'habitait et mes actes semblaient déjà tracés. C'était plus qu'enivrant, c'était... euphorisant.

Jacques s'était figé, le grand bonhomme tout tremblant, près de la porte. Mais son chef... son chef ne voyait pas si loin, il menaçait toujours, se débattrait jusqu'au dernier souffle. Je le compris et la suite s'imposa à moi.

- C'est que le p'tit parle français ! jappa-t-il. Et que ce fait-ce ?

Avec un plaisir manifeste, il tourna le canon de son revolver droit vers la tête de Hawkins qui croisa lentement les bras, s'efforçant de ne laisser paraître son désarroi qui suintait de lui comme un désespoir profond.

J'avançai d'un pas.

Louis arma. Clic.

- Je te propose un marché, dis-je en avançant le pied gauche.

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