[Chapitre 28]

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Refermant la porte, elle pleura toutes les larmes de son corps.
Vanessa avait marre de vivre sous la douleur. Principalement celle que son père leur avait infligée. Il était bien parti sans un regard pour sa mère et elle, pourquoi devrait-elle continuer à souffrir ? Après tant d'années ?

Elle s'allongea sur le lit, s'enfuyant la tête parmi les coussins.
Un jour viendra où elle prendra sa revanche. Elle lui affligerait les pires douleurs qu'il n'est jamais connu. Même au risque d'y laisser sa peau.
Se levant brusquement, elle cria :

— Raaah qu'il m'énerve. Qu'ils aillent tous chier !

Des oreillers à la main, elle les balança, vers la porte de sa chambre, l'un après l'autre. Elle attrapa un autre pour poursuivre son schéma lorsque la porte s'ouvrit brusquement laissant voir Carter. De justesse, il eut le temps d'esquiver l'objet.

— Ça ne va pas fort à ce que je vois.

— Dégage ! Hurla-t-elle, le surprenant. Dégage Carter. Je n'ai pas la force ni de te supporter, ni d'écouter tes âneries.

Toujours étonné de sa réaction, Carter bougea de l'embouchure de la porte avant de la fermer derrière lui. En silence, il avança dans la pièce, amassant les oreillers sur son passage qu'il rangea à leur place. Il prit place au sol, collant son dos contre le lit.
Vanessa l'observa.

— Très bien. Si tu ne veux pas dégager, c'est moi qui m'en irais, dit-elle s'apercevant qu'il ne bougerait pas.

Elle fut stoppée par la voix de son invité.

— Je ne suis pas venu me moquer de toi. Je sais ce que ça fait de se sentir abandonner.

Ebahie, elle lâcha le poignet de la porte. Lentement, elle se retourna.

Toi ? Abandonné ?

— Quoi ? Ce n'est pas parce que je suis un génie que je suis insensible à la douleur ou aux malheurs de la vie, Vanessa.

Au tour de Vanessa d'être pris de cours.

Qu'aurait-il bien pu vivre pour connaître les malheurs de la vie ? Un fils à papa, aimé de toutes les filles et hait par tous les garçons... ?

— Une personne à qui je tiens m'a laissé pour aller vivre ailleurs, dit-il plus doucement.

Vanessa s'assit près de lui. Les yeux grands ouverts, elle garda le silence, l'invitant à poursuivre. Elle sécha ses larmes, oubliant presque c'était elle qui était dans le déni. Elle qui souffrait...

— J'étais sur le point de faire l'inimaginable pour elle quand j'ai appris qu'elle devait me quitter. Lorsque je suis revenu pour l'empêcher...

Qui ça pouvait être ? Quelqu'un de la famille ? Une fille... ?

Même si elle se posait ses questions, elle préférait ne pas les lui poser. Elle avait trop peur de la réponse. Elle était encore trop bouleversée pour cela. Chaque chose en son temps. Là, il fallait juste qu'elle l'écoute. Il se pouvait que ce soit la seule et unique fois qui lui ouvrait son cœur... Elle se devait donc de l'écouter en silence. Pour son bien !

Le regard rivé sur lui, elle le dévisageait, cherchant un signe qui le trahirait. Celui qui lui affirmerait qu'il était en train de lui mentir. Sauf qu'il avait les yeux fermés. Il prit son souffle et tortilla l'oreiller qu'il avait gardé sur ses genoux. Sa mine semblait abattue par des douloureux souvenirs.

Comment les lui effacé ?

— Elle était déjà loin...

Ses mots étaient à peine audibles. Et toute sa souffrance y était sortie.

— Tous les jours, je me repasse la scène dans ma tête et je me demande comment je pouvais l'arrêter...

Il ouvrait les yeux avant de les plonger dans les siens.

— Impossible ! C'est la seule réponse que j'ai trouvée.

Un moment de silence.

Il reprit :

— Que j'y fus au moment de son départ, un jour avant, un jour après... C'était impossible pour moi de l'arrêter, car sa décision était déjà prise.

Encore un moment de silence.

— Pour souffrir, tu vas souffrir. Aujourd'hui un peu plus que demain. À chaque fois que tu te rendras compte qu'elle n'est plus là. Qu'une part de toi est emportée avec elle. Que tu l'aimes ou que tu le haïsses... elle sera et restera le vide que tu essaies de combler.

Il se décolle du lit et continua :

— Tu auras beau essayer de réellement la détester, tu n'y arriveras pas. Alors tu continueras de chercher des raisons pour la détester, tu trouveras. Mais... est-ce les bonnes ? Sûrement ! Pour combien de temps ? Toute autre chose. Donc, oui, tu vas la détester. De toutes tes forces... Mais... ne serait-ce pas justement le manque qu'elle a laissé qui te pousse à vouloir la haïr chaque jour un peu plus ?! Et en vrai ? Qu'en est-il vraiment ? N'est-ce pas la personne que tu désires avoir le plus à tes côtés ?! Qu'elle te donne des explications et qu'elle te promettre mille et une nuit ?

Il la fixa avec plus d'insistance.

Vanessa vit les yeux de Carter s'humidifiés.

— Ils disent qu'entre l'amour et la haine, il y a qu'un pas... pour moi la haine n'existe pas. C'est l'amour qui évolue vers un sentiment qu'on n'arrive pas à définir... Comme les humains n'aiment pas ne pas avoir de mots sur ce qu'ils ressentent et qu'ils voudraient haïr cette personne, ils disent que c'est la haine. C'est totalement faux. Tout est faux ! Il émit avec plus de conviction. Alors souffre. Souffre à t'en arracher le cœur. Mais ne dis pas le détester. C'est ce que tu veux et que ta tête persiste à te faire croire. Ton cœur lui ne demande qu'à être auprès d'elle. De vivre la vie que tu t'es imaginée avant que ça ne s'arrête.

Il marqua une pause. Il soupira pour reprendre de plus belle.

— Je ne prétends pas être le mieux placé pour parler des sentiments puisque j'essaie d'y faire face de jour en jour... mais c'est bien de savoir dans quelle direction que ton amour évolue. Est-ce plutôt du côté négatif et te pousse à te venger... ? Ou, est-ce du côté positif, t'encourageant à lui pardonner et vivre la vie que tu as toujours voulu avec elle... ? Nous ne sommes pas sans défaut. Ce que tu lui reproches n'est pas sans justificatif... as-tu essayé de prendre contact pour lui demander la vraie raison de cet abandon. J'ai eu ma réponse. Ne devrais-tu pas en faire autant ?...

Carter se rapprocha de Vanessa, déposant un doux baiser sur son front avant de murmurer :

— Essaie de ne pas de trop y penser. Repose-toi. Tu te questionneras sur ce qui te trouble plus tard.

Il se releva pour partir.

— Juste une dernière chose. Il est plus facile de détester quelqu'un que d'accepter le fait qu'on l'aime encore... Ne te laisse pas submerger par l'abandon de ton père, tente plutôt d'en parler et de faire le point avec toi-même. En dépit de ce qu'il a fait, il reste ton père. On a le droit d'aimer. On peut donc aimer de toutes nos forces. Au-delà de toutes les limites. Malgré les souffrances que cet amour peut ou engendre.

Il eut un sourire au coin.

— Tu lui dois beaucoup. C'est tout de même grâce à lui si aujourd'hui, tu es là à me courir après. Ne le prends pas mal, répliqua-t-il lorsqu'il vit la mine de Vanessa s'assombrir. Je dis juste que c'est ce qui fait de nous un être humain et non un monstre dénué de sentiments.

 Je dis juste que c'est ce qui fait de nous un être humain et non un monstre dénué de sentiments

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