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Comment se fait-il que Jeno en soit au courant ? Il lève la tête vers moi, une expression émue au visage. Ému, oui, mais ému de quoi ?

- Jeno... Comment tu...

- C'est moi Ten... C'est moi... J-Johnny...

- Johnny ? Mais enfin Jeno, t'as pas la tête de Johnny, t'as pas la voix de Johnny, t'es pas Johnny c'est pas drôle arrête de plaisanter c'est pas marrant.

Je suis tellement choqué que les mots sortent de ma bouche à toute vitesse, sans même se soucier de s'ils avaient un sens ou non.

- C'est moi, Johnny. C'est juste que j'ai emprunté le corps de Jeno pour pouvoir te parler et... t'avouer toute la vérité, me dit-il en m'approchant, mais je fais un pas en arrière.

- Johnny est mort il y a un an...

- Mais je ne suis jamais totalement parti. J'ai toujours été là, mais... invisible. J'ai passé un an à errer dans la ville sans but et sans me rappeler de toi... Les morts doivent accomplir leur acte inachevé avant de quitter le monde des vivants et c'est pour ça que je suis toujours là.

J'hésite vraiment à le croire, déjà parce que c'est difficile d'imaginer Johnny à sa place, en train de me parler. Mais quelque part au fond de moi, j'ai vraiment l'impression que c'est lui. Que c'est celui que j'aime. J'ai l'impression que ce sont ses mots, et que Johnny aurait vraiment expliqué cette situation de cette manière. Je ne sais pas, je deviens peut-être fou moi aussi.

- P-Prouve-le-moi... je murmure presque inaudiblement.

- Je suis John Jun Suh, je fais 1m84, je suis né le 9 février 1995. Je suis arrivé à Séoul le 4 juin 2018 et j'ai rencontré l'amour de ma vie le jour-même à l'aéroport. Je suis joueur de baseball, mais à part ça j'aime beaucoup lire et coudre. Mon petit ami m'a d'ailleurs trouvé très bizarre le jour où je lui ai tricoté un pull. Mais il était touché et très heureux et l'a porté une semaine sans le laver.

J'en reste bouche bée. J'ai du mal à l'affirmer mais oui, c'est bel et bien Johnny, ça ne peut être que lui. Certains diront peut-être que Jeno s'est juste bien informé. Mais je sens vraiment que c'est Johnny, c'est son regard, c'est sa manière étrange de se tenir debout, c'est sa manière de parler.

- Je... Je te crois, je lui réponds.

À partir de ce moment, je n'ai plus l'impression de voir la tête de Jeno, non. Je vois Johnny et personne d'autre que lui. Je suis encore tellement secoué. Il y a quelques minutes encore, j'étais seul à lire et voilà que maintenant, je suis en train d'avoir une conversation avec mon petit ami décédé il y a un an.

- Je suis tellement heureux de te retrouver, me sourit-il avec des larmes, de revoir ton visage et de te reparler. Si ça n'en tenait qu'à moi, je n'accomplirais jamais cet acte inachevé, rien que pour te regarder chaque jour. Seulement... Tu continueras de souffrir sinon...

- Je ne comprends rien à ce que tu veux dire...

- Je n'ai pas été honnête avec toi, Ten...

Je ne comprends vraiment rien à ces paroles. Comment ça je continuerai de souffrir ? Souffrir de quoi ? Comment ça il voudrait rester ? Ça veut dire qu'il doit partir ? Trop de questions se bousculent dans ma tête...

- T-Tu te souviens de la bague en or que je t'ai offerte pour ton anniversaire ? il baissa la tête. Tu pensais l'avoir perdue, et tu en as même pleuré... J'imagine qu'après ma mort, tu t'en es encore plus voulu qu'avant...

- Je suis tellement désolé de l'avoir perdue Johnny... Oui je m'en veux toujours, parce qu'au moins j'aurai un souvenir de toi aujourd'hui...

- En réalité, je l'ai vendue...

Je n'en reviens pas mes oreilles. Cette révélation m'a frappé le visage de plein fouet alors que des larmes commencent à lui envahir les joues. Il a vendu la propre bague qu'il m'avait offerte ? Celle que j'aimais plus que n'importe quel objet de la Terre ?

- Pourquoi... je murmure.

- Tu avais des difficultés financières et je voulais t'aider... Je ne supportais pas de te voir souffrir comme ça mais je n'avais pas d'argent pour t'aider alors... Je suis désolé.

J'ignore comment je dois réagir. Dois-je être soulagé de savoir que je n'avais finalement pas perdu cet objet si précieux ? Ou dois-je lui en vouloir de m'avoir caché une chose pareille aussi longtemps ? Au fond, il voulait bien faire, il voulait juste m'aider. Mais il aurait peut-être dû m'en parler avant d'agir seul dans son coin.

- S'il te plaît, pardonne-moi, il s'agenouille en cherchant mon regard.

- Ça n'a plus aucune importance maintenant, on ne peut plus rien y changer...

- Est-ce que ça veut dire que tu ne m'en veux plus ?

- Je ne t'en ai jamais voulu. Et je ne pourrai jamais t'en vouloir Johnny. En plus je suis tellement rassuré d'avoir appris la vérité.

Il me sourit et se redresse avant de me prendre les mains. C'est un peu bizarre sachant que ce sont en réalité les mains de Jeno, et non les siennes. Mais je n'y prête pas attention.

- Je suis heureux de savoir tu te sens mieux, c'était exactement ce que je voulais. En maintenant... Il est temps pour moi de m'en aller.

- T'en aller ? Mais t'en aller où ?

- Je sais pas, mais ailleurs qu'ici, en tout cas. Dans un monde meilleur.

- Tu-Tu ne peux pas t'en aller, je viens à peine de te retrouver...

Lentement, il vient me caresser la joue dans le but d'effacer mes larmes rebelles.

- Je serai toujours là, me sourit-il. Je ne serai juste... pas... complètement là... Je veux dire euh... Pas mon corps mais... Dans ton cœur.

Je me mets à rire. Il n'y a que Johnny qui puisse encore arriver à me faire rire dans un moment pareil.

- C'est bon je comprends, je lui réponds.

- J'espère ne pas te revoir bientôt. Enfin je veux dire... Ça veut dire que j'espère que tu vivras encore longtemps.

- C'est bon Johnny j'ai compris, je ris une fois de plus. Et arrête d'être aussi drôle, je m'attache encore un peu plus à toi !

Il m'offre un dernier sourire avant que son visage ne se rechange en celui de Jeno. Peut-être qu'il n'avait jamais changé. Mais en tout cas, moi, je n'avais vu que lui. Lui et personne d'autre. Jeno se remet à hurler, mais plus aussi longtemps que tout à l'heure. Johnny venait de le quitter ? Sans doute. Désormais je comprends mieux pourquoi mon collègue me parlait tout le temps de fantôme et de mort. Je pense qu'il peut réellement voir ce Jaemin, et il a fallu que je vive la même chose pour me mettre a le croire.

Je vois soudainement un halo de lumière briller à mes côtés, et le visage d'un Johnny souriant juste au dessus. Suis-je le seul à le voir ? Jeno semble ne rien remarquer. La lumière se dissipe peu à peu et le visage de Johnny s'évapore. Voilà. Il est parti avec le sourire. Pour de bon cette fois-ci.

Bien sûr, je me sens mal rien que d'y penser. Mais je sais que maintenant, il est dans un monde meilleur.

Un monde lointain où il pourra continuer de me voir.

Un monde lointain où il pourra veiller sur moi...

𝑻𝒉𝒆 𝑮𝒉𝒐𝒔𝒕 𝑨𝒏𝒅 𝑴𝒆 •° ⁿᵒʳᵉⁿᵐⁱⁿWhere stories live. Discover now