Eidjina : Captifs 🥀

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Je la sentis. Cette douleur immense. Ce chagrin sans fond. Ce poignard glacé qu'on plante dans le dos d'un être cher. Je ne la vécus pas directement, mais au travers de Judicaël, par l'unique toucher de sa peau tremblante. Je n'aurais pas cru posséder ce don, et pourtant, tout me sembla si clair dans ses sentiments lorsque Belphégor se présenta à nous...

Les chandeliers s'allumèrent, faisant apparaître son regard dépourvu d'une once de sympathie, et aussitôt, ce n'est pas pour moi que j'eus peur mais pour mon partenaire. Lui, si fidèle et tellement persuadé que ses maîtres étaient infaillibles ! Quel drame.

Je fus impuissante face aux pouvoirs du monarque, et le majordome, malgré toute cette tragédie, ne put se résoudre à lever la main sur son prince. Il ne fit qu'une chose : me défendre. Et cette action, bien que vaine et sans espoir, valut plus que n'importe quelle richesse à mes yeux.

Alors oui, nous perdîmes misérablement : je me retrouvai projetée contre un mur et perdis conscience tandis que le domestique se faisait battre par les pouvoirs magiques nettement supérieurs du souverain. Néanmoins, il n'y a qu'une image que je retiendrai de ce combat perdu d'avance : c'est la protection que le démon m'offrit, les coups qu'il reçut à ma place, et sa ténacité incroyable. Sans doute ne le faisait-il que dans un souci d'éthique, cependant, oserez-vous prétendre que n'importe quel humain ferait pareil ? Je découvris par ce fait une nouvelle facette de lui...

Celle d'un homme de principes.

Quand j'ouvris les yeux, je ne vis que le noir, je ne sentis que l'angoisse. Mes gestes furent lents, douloureux, je cherchais un quelconque repère sans y parvenir. Une seconde, je me demandai si tout était réellement fini, mais l'instant d'après, le souffle d'une autre respiration m'éclaircit les idées.  Je battis des paupières bien que ce soit inutile et m'appuyai sur les coudes, sentant un bitume froid et humide contre ma peau.

— Judicaël ?

Ma voix ne fut qu'un filet chevrotant qui se répercuta contre les murs.

— Vous êtes enfin réveillée, remarqua mon interlocuteur quelque part dans la pénombre. J'ai cru que vous alliez dormir trois siècles...

Un pauvre sourire tordit mes lèvres.

— Je vois que vos pics n'ont pas non plus attendu tout ce temps. Mais sinon, où sommes-nous ?

— Probablement dans les cachots, néanmoins je n'ai aucune certitude puisque je n'étais pas conscient sur le trajet, me confia-t-il.

— Vous pouvez nous sortir de là ? M'enquis-je même si je me doutais un peu de la réponse.

— Je suis au regret de vous annoncer que si je le pouvais je l'aurais fait sans vous attendre. Malheureusement un bouclier magique a été dressé autour de notre cellule, ce qui m'empêche d'utiliser mes pouvoirs, m'expliqua-t-il.

Il semblait encore sous le choc de toutes ces révélations et sa parole manquait cruellement de vie. Ne sachant pas quoi faire, je m'excusai :

— Je suis désolée pour ce qui arrive : ça ne doit pas être facile pour vous...

— Vous n'avez aucune raison de l'être mademoiselle, c'est moi qui ait laissé filé le traître et qui n'ait pas su anticiper cette tragédie, murmura-t-il, amer.

— Vous ne pouviez pas savoir que Belphégor allait retourner sa veste ! Le contredis-je avec véhémence.

— Ce n'est pas l'important. J'ai failli à mon devoir, c'est tout, il n'y a pas d'autres questions à se poser.

Sa détresse me frappa en plein cœur. J'avais beau ne pas avoir de liens forts avec le majordome, le sentir si démuni m'affligea.

— Ne soyez pas aussi dur envers vous-même : je suppose que personne n'avait prévu le coup, continuai-je.

Soumis À Leur DestinNơi câu chuyện tồn tại. Hãy khám phá bây giờ