Eidjina : Le Pacte Interdit 🥀

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Judicaël avait un cœur. Un cœur meurtri, certes, mais il en avait un. Je découvris le guerrier derrière son masque de froideur. J'entraperçus un homme en lutte constante avec lui-même. Loin de son image de domestique impassible, il n'était rien d'autre que quelqu'un s'acharnant à reconstruire son estime personnelle.

Cela me touche. Judicaël ne me paraît plus si distant, comme s'il me suffisait de quelques pas supplémentaires pour l'atteindre.

Je passai mes bras autour de lui pour le réconforter, essayant d'être très douce, et il posa son front sur mon épaule. L'heure n'était plus au rejet. Il ravala son chagrin autant qu'il le pouvait, cachant les dernières larmes dans son regard. Sans doute voulait-il ainsi m'épargner la vision de son effondrement psychologique.

Quand je le tins de cette manière, toutefois, je ressentis une chaleur inconnue se répandre dans ma poitrine. Était-ce uniquement de la compassion ? Je ne saurais le dire mais une chose est sûre : si Judicaël m'empêche désespérément d'entrer dans son cœur, lui s'est infiltré dans le mien.

— Et si nous retournions à nos livres ? Lui proposai-je en chuchotant.

L'ambiance était délicate, je ne voulais pas la rompre trop brusquement.

— Vous êtes plus professionnelle que moi, mademoiselle, l'entendis-je murmurer, un sourire dans la voix.

Avec lenteur, il se redressa et tira un mouchoir immaculé de sa manche pour chasser les restes de peine qui illuminait le coin de ses yeux. Ensuite, il prit quelques secondes pour se reconstruire un visage protocolaire face au miroir, puis me suivit hors de la salle de bain.

Le trajet nous permit de reprendre contenance et nous nous retrouvâmes à nouveau installés dans la bibliothèque.

— Bon, eh bien, retour à ces vieux bouquins, grimaçai-je.

— Ce sont des ouvrages d'une importance capitale, se dut de me rappeler le majordome sans pourtant me faire un reproche.

— J'ai simplement souligné leur ancienneté ! Me défendis-je.

— N'y a-t-il pas eu un soupçon de déprime dans votre réplique ? Me relança-t-il gentiment.

— Vous interprétez mal, dans ce cas, osai-je répondre.

— Pourquoi cette insolence ne m'étonne même plus de vous ?

— J'ai peur que vous ne soyez en train d'apprendre à me supporter, mon pauvre Judicaël ! Fis-je d'un ton faussement alarmant.

Une ombre de sourire traversa son visage avant de disparaître.

— Essayons de nous reconcentrer, m'invita-t-il.

— Essayons. Le terme adéquat ! Ris-je.

Et nous nous replongeâmes dans nos lectures. Je mentirais en disant que j'aime faire des recherches car je préfère être sur le terrain, dans le feu de l'action. L'adrénaline est particulièrement grisante dans mes veines. Mon compagnon cependant ne semble pas avoir ce problème puisqu'il est sincèrement touché d'avoir l'honneur de farfouiller dans ces archives. Peut-être que pour un démon il s'agit de reliques, mais à mon sens, ce n'est que des manuscrits illisibles !

Tandis que je déchiffrais tant bien que mal un journal intime ayant appartenu au chef d'un territoire - ne me demandez pas lequel, je ne l'ai pas retenu - je vis entre des gribouillis un étrange  symbole. Je fronce instinctivement les sourcils et me penche plus en avant, comme si cela pouvait me permettre d'élucider le mystère. Il s'agissait de deux triangles équilatéraux emboîtés à l'un de leurs sommets, le tout dans un cercle reliant les pointes libres. L'homme dont il était question dans le livre n'était pas mathématicien d'après les informations dont le majordome m'avait fait part. Pourquoi faire de la géométrie dans ce cas ? Quelque chose me dit que ce dessin n'est pas un simple passe-temps dû à un taux d'ennui trop élevé...

Soumis À Leur DestinDonde viven las historias. Descúbrelo ahora