Eidjina : Ferme Les Yeux Darling

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Les mains jointes comme une prière, la tête baissée, les yeux fermés. Tout de moi laisser transparaître l'angoisse.
Cela faisait bien longtemps que j'étais assise sur le même fauteuil, mais il m'était impossible de penser à autre chose dans le hall d'entrée.
Parfois, je pouvais apercevoir Lucifer qui faisait un aller retour pour s'assurer qu'il n'avait pas manqué l'arrivée de ses frères.
Et de Prêmélas aussi, un peu. Très légèrement.
Personnellement, depuis le départ de Judicaël je n'avais pas bougé de place. Je ne cessais d'avoir peur. Certes il avait déjà surmonter un coup d'État, oui il avait des millénaires d'expérience dans le domaine... Mais une erreur arrive si vite, une vie est si fragile.

Ne meurs pas darling. Reviens.

Cette même prière, je la répétais plus de cent fois depuis son départ. Mon esprit n'était occupé à rien d'autre.
Iris, la domestique sous les ordres du majordome venait souvent prendre de mes nouvelles. Elle aussi s'inquiétait pour Judicaël. Je ne me sentais plus jalouse car je savais que mon darling était un démon fidèle et sincère. Mais moi, je me trouvais faible. J'étais incapable de le soutenir dans cette épreuve, incapable de venir le sauver s'il se retrouvait dans une situation délicate. Que peut une humaine face à l'Enfer entier ? Que suis-je ici ?

Ne me laisse pas, je t'en pris.

Sans lui, que serais-je ? Aucun autre démon n'aurait prit la peine de s'occuper de moi, de me comprendre. Lui, il l'a fait.
Au début, j'ai cru que nous ne pourrions jamais nous entendre, j'ai pensé qu'il était ce qu'il faisait transparaître.
Judicaël est bien plus.
Aujourd'hui, j'ai compris qu'il était un être doté de sentiments, simplement effrayé de les dévoiler à cause de son passé. Nous avons tous des cauchemars, mais nous oublions trop souvent nos rêves.
Il est le mien. Il est celui qui a su combler mon vide, il est cette personne que j'attendais sans le vouloir durant ma vie. Il est arrivé en retard, certes, pas dans les meilleures conditions, je l'admets, mais il est là.

Je refuse de le perdre si tôt.
Je refuse de le perdre tout simplement.

C'est égoïste, c'est pathétique, mais je l'aime. Un seul mot peut décrire la capharnaüm qui réside dans mon esprit depuis sa rencontre. C'est celui-ci.

Reviens, Judicaël.
Reviens...

***

Un étendard bleu, symbole du triomphe s'éleva dans le palais.
Je sortis de ma chambre aussitôt et courus dans les couloirs à toute jambe. Je descendis les marches quatre à quatre, refusant de rater l'entrée si attendue du bataillon, et lorsque je fus dans l'immense hall d'entrée, je me rendis compte que je n'étais pas la seule à être impatiente.
Lucifer, dans son uniforme princier, attendait debout en plein milieu de l'endroit.  Quelques autres des frères s'étaient assis sur un canapé contre le mur pour faire acte de présence même s'il était évident qu'ils n'étaient pas là par plaisir.
Le plancher grinça sous mes pas lorsque je m'avançai, et mon regard se perdit sur le luxe et la démesure de la porte principale.
Sans même connaître l'étiquette, je me mis en retrait du Diable, devinant qu'il serait mal vu de le devancer.
Lorsque les deux grandes pièces de bois s'ouvrirent sur le vaste extérieur, mon cœur battit la chamade.
Comme dans un film, les valeureux guerriers se dévoilèrent peu à peu, montant les dernières marches qui amenaient au seuil.
Moi aussi je les avais franchi avec difficulté à ma mort.
Le premier à entrer fut le prince Azazel. Il était en tête du cortège. De là où nous étions il ne semblait pas trop blessé : ses cheveux blonds étaient un peu en bataille et il semblait fatigué, cependant son état n'était pas critique.
Il rejoignit son frère aîné et s'inclina une fois devant lui.
- Mission accomplie, nous avons maîtrisé la situation. Déclara-t-il à Lucifer en souriant.
Il fut bientôt rejoint par Méphistophélès et Dispater, eux aussi sain et sauf.
Quelque part je me sentis soulagée. Peut-être que Judicaël n'était pas à l'agonie...
Prêmélas fit ensuite son entrée : il courut en fendant la foule sans vergogne, et vint se jeter, bras ouvert, sur Satan.
Hélas le Diable ne semblait pas vouloir jouer le rôle de l'amoureux transit d'effroi, et se contenta de faire un croche-pieds à l'adolescent qui s'écrasa par terre.
- Mais respecte-moi ! S'écria-t-il la tête contre le plancher. Je suis le héro dans cette histoire !
- Tu serais mort, ça aurait pareil pour moi. Lui répondit l'interpelé.
- Sale menteur ! L'accusa le télépathe.
Mon regard se retourna sur les personnes faisant peu à peu leur retour. Dans cette foule compacte, difficile de retrouver mon dulciné. Je le cherchai désespérément commençant à m'inquiéter de son absence.

Soumis À Leur DestinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant