Judicaël : Le Fardeau 🥀

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— Je dois le voir ! Brailla-t-elle.

— Vous attendrez, répliquai-je.

Rare sont ceux qui osent faire preuve d'insolence en m'étant inférieur. Décidément, cette petite allait mettre mes nerfs à rudes épreuves. J'hésitai d'ailleurs à la dévorer sur le champ, néanmoins, par peur des représailles, je m'en empêchai. Son Altesse Royale n'apprécierait sûrement pas ce geste impulsif qui le mettrait dans une position délicate avec les anges. Stupide anges. Nos problèmes viennent toujours d'eux et me voilà avec un fardeau de plus par leur faute !

L'âme pinça ses lèvres carmines, furieuse. Je la laissai bouillonner dans sa rage sans faire un geste, me demandant jusqu'où je pouvais la pousser. J'étais conscient d'être cruel mais il fallait que je déverse ma rage muette sur ce cadeau angélique. Oui, j'étais injuste. Et je m'en contre fichais : quelqu'un devait payer, n'importe qui.

— Vous allez me laisser à la porte, prononça-t-elle comme une affirmation de dépit.

Un lourd soupir lui échappe, elle se laisse tomber par terre sans aucune élégance avant de prendre son visage entre ses mains. Elle grommela ensuite quelque chose d'incompréhensible qui devait très certainement être un juron contre ma personne. Je ne relevai pas l'insulte par manque de temps. À vrai dire je l'aurais bien laissé agoniser dehors, cependant, le courant d'air qui s'engouffrait dans le palais dérangeait les visiteurs. Pire : en imaginant les dégâts que pourrait causer le vent sur la magnifique décoration, je dus choisir entre ma cruauté et ma rigueur. La décision fut vite prise.

— Levez-vous, mademoiselle, et suivez-moi, lui ordonnai-je.

Elle grogna en me fusillant du regard, toujours assise sur le sol.

— Il fallait le dire plus tôt, c'est trop tard maintenant ! Se plaignit-elle en regardant l'état de ses jambes et de ses pieds ensanglantés.

Il me fallut un certain contrôle pour ne pas me débarrasser de l'insolente d'un coup de croc. Je me mordis simplement la joue afin de contenir mon énervement lorsque je vis qu'elle n'avait réellement pas l'intention de bouger. Elle comprit brusquement que nos rôles s'était inversés, et en souriant, se vengea :

— Ça vous dérange donc que je ne me lève pas ? Comme c'est dommage.

Je plongeai mes prunelles froides dans celles obscures de l'audacieuse qui croyait sans doute avoir le dessus. Quelle grave erreur...

— Dois-je vous traîner par les cheveux dans la demeure ou vous soumettre à la torture, mademoiselle ? M'enquis-je très poliment.

Elle perdit la parole quelques instants avant de reprendre ses esprits et paniquer dans les règles de l'art :

— D'accord, d'accord, vous avez gagné ! Se résigna-t-en s'agitant misérablement.

J'observai l'humaine se remettre debout avec beaucoup de difficultés. Hors de question de faire preuve de bienveillance : ce mot-là n'existe pas pour les démons. Je la toisai simplement avec mépris, la trouvant sincèrement inintéressante et dénuée de potentiel. Lorsqu'elle fut de nouveau sur ses pattes, bien que dans un équilibre précaire, elle s'avança dans ma direction. La seule chose qui n'était pas repoussante dans son être était son odeur : elle sentait bon. Trop bon, d'ailleurs. Ne pas la dévorer serait une tâche ardue, songeai-je. Heureusement, le prince des princes viendrait bientôt me retirer cette horrible tentation gustative.

— Faites-moi le plaisir de nettoyer vos pieds au passage. Souiller cette maison de votre sang impur pourrait me fâcher considérablement, la prévins-je à peine fut-elle à ma hauteur.

Son visage se contracta une nouvelle fois de fureur, mais je remarquai qu'elle fit l'effort d'éviter la provocation cette fois-ci :

— J'ai souffert pour venir jusque là, au cas où vous ne l'auriez pas remarqué ! Je sais bien que ça vous est égal mais un tapis ne résolvera pas le problème ! Me dit-elle avec sarcasme.

Soumis À Leur DestinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant