Eidjina : Lutter 🥀

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L'attente est une chose, le désespoir en est une autre. Il n'y avait à ce moment-là, dans mon esprit, qu'un vide immense. Un trou béant dans lequel mes rêves étaient tombés. Alors que j'écrivais ma punition comme une automate, je surpris mes yeux à s'embuer. D'un geste vif, je retirai cette eau traîtresse et me remis au travail. Je ne cherchais plus la solution à ce cauchemar, ayant épuisé ma colère. De toute façon, j'étais coincée ici pour une très - très - longue année. Pire : sous les ordres de ce Judicaël, alias le majordome tout puissant qui ne se soucie pas des médiocres gens dont je fais partie !

La mine du crayon de couleur se cassa, laissant une traînée opaque sur la feuille... Le Diable ne m'avait même pas adressé un regard ! Il avait fait exprès de toujours garder les yeux dans la direction de mon insupportable tuteur ! Certes, je ne suis qu'une humaine, oui, c'est Satan, d'accord, je me trouve en Enfer, mais être traitée en détritus est impardonnable ! Suis-je atteint de la peste pour qu'on m'enferme dans une salle ? Ai-je six ans pour qu'on me punisse comme en primaire ?

« Cette Eidjina ». Suis-je un objet ? Je ne me suis pas attendue à être accueillie à bras ouverts, ni à être réconfortée. Seulement, j'ai cru que le passage transitoire se ferait rapidement et que mon entretien - ou plutôt celui de Judicaël - avec le prince, signerait la fin de mes soucis. J'avais tout faux : me voilà coincée avec la pire personne qui soit en chaperon. Mais au fait, pourquoi ai-je cru que la situation pouvait s'arranger ? Je suis morte. Que faire de plus ?

— Je suis désolée, murmurai-je pour ma famille et mes proches.

Je songeai soudain que mon tuteur avait eu un comportement totalement différent envers son maître qu'avec moi. C'est naturel, vous me direz, mais pourtant, j'ai l'étrange impression qu'il possède un masque. Serait-il possible que sa froideur apparente ne soit qu'une façade ? Je balayai cette hypothèse ridicule en marmonnant :

— Ce mec est juste une ordure.

Je me remets au travail après avoir taillé la mine du crayon, déçue et frustrée que l'aventure se termine là. En y repensant, Judicaël a vraiment été horrible avec moi et je n'ais aucunement besoin de me reprocher notre mauvaise relation. Comment allais-je survivre un an avec ce monstre sans cœur ? Enfin, ce n'est pas la bonne question comme je ne suis plus vivante !

La porte s'ouvrit sur la dernière personne que je voulais voir. Sa tête ne m'avait pas manqué depuis qu'il était parti ! Je gardai donc les yeux rivés sur mes feuilles, soucieuse d'en finir rapidement avec cette pénible corvée. Qu'allait-il me donner à faire ensuite ? Comment allais-je m'occuper ? Je ne suis pas certaine de vouloir connaître la réponse...

— J'ai terminé, déclarai-je dans un soupir en me redressant.

À force d'être courbée j'avais attrapé mal au dos, et tout ça sans parler de mon pauvre poignet qui hurlait à l'agonie ! Je m'étirai tranquillement et vis le regard de biais que me lança monsieur-tout-puissant. Au diable les bonnes manières, c'était la pire journée de ma vie depuis que j'étais morte ! En y réfléchissant bien, je m'aperçus que cette phrase n'avait strictement aucun sens...

— Je vais vous montrer vos appartements, m'annonça Judicaël de façon toujours aussi peu aimable.

— Et ma punition ? Qu'est-ce que j'en fais ? M'étonnai-je en fronçant les sourcils.

Il claque des doigts et mon travail se met à brûler.

— Mais vous êtes fou ! Vous savez combien de temps j'ai passé là-dessus ? Vous n'avez même pas jeté un coup d'œil ! M'outrai-je.

— Cessez de crier dans la demeure, mademoiselle, où je me verrai dans l'obligation de vous réserver un autre châtiment, me prévint-il.

Je faillis répliquer avec sarcasme mais me retins de justesse. C'était un démon, pas un être humain doté de sentiments. Lui, ne menaçait pas pour de faux. Je ravalai ma fierté et le suivis, non sans un dernier regard en direction des cendres de papier sur la table qui, par magie, s'étaient volatilisées.

Soumis À Leur DestinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant