Soumis À Leur Destin

Judicaël : Le Jugement

Le temps est court. Bien trop court.
C'est comme si l'aiguille de l'horloge avait décidé d'accélérer son rythme en cessant son cliquetis.
Dans le silence mortelle qui passe, le temps s'enfuit comme un voleur.

La fin se rapproche sans jamais que je ne puisse l'apercevoir clairement. Quelque part, tapis dans l'ombre, elle m'attend...

* * *

Au palais, la préoccupation principale était le réveil de Lilith et du prince.
Les meilleurs médecins de la Géhenne faisaient tout ce qui était en leur pouvoir pour que l'état de ceux-ci ne se dégrade pas.
Durant cette attente interminable, absolument rien a bougé. J'ai continué ma convalescence jusqu'à pouvoir reprendre mon travail, Eidjina m'assista dans mes tâches même si elle n'était pas très douée. D'ailleurs elle me répétait que je l'énervais à la critiquer sur ses talents ménagers...
Le reste du personnel suivit le mouvement en retournant à leurs activités habituelles.
Prêmélas ne quitta pas l'Enfer au grand damne de tous : il décida de rester jusqu'à la réunion angélique parce qu'apparemment il avait quelque chose à régler avec un certain "Carson". Ce nom ne me disait pas grand chose, sûrement était-il jeune et n'avait pas connu la guerre pour la possession de la Terre.
Lucifer avait failli enfermer l'empathe car il était certain que l'adolescent se fichait de lui : Prêmélas n'a pas besoin de la réunion pour franchir les mondes.
Mais bien sûr, le télépathe avait continué de se trouver des excuses.

Orlando avait été accueilli par le Diable, mais celui-ci ne fermait pas les yeux sur sa relation interdite avec la Seigneuresse. Pour être "équitable", il décida de faire son jugement au réveil de celle-ci.
Lilith serait sa seule défenseuse car elle était impliquée dans l'affaire. S'ils parvenaient à bien se défendre, peut-être n'aurait-il pas droit à la peine capitale.
Cependant, l'espoir était mince. Satan n'était pas connu pour sa bonté.

Cette histoire était assez étrange, et j'avais beaucoup de mal à l'aborder. Parce que d'un côté Orlando était responsable de mon enfance catastrophique, de l'autre il me ressemblait sur le plan amoureux. Nous étions liés depuis longtemps sans que nous le veuillions.

Si Sa Majesté m'avait simplement fouetté pour ma relation avec son frère, c'est parce que son esprit était occupé par bien d'autres problèmes. Mais aujourd'hui, c'était différent pour le majordome en noir. La rébellion était finie, le coup d'état était passé, tous les regards étaient tournés vers les deux nobles inconscients. Et d'Orlando par ce fait.

Il était perdu d'avance. Je le savais. Il le savait. Qu'est-ce qu'on ressent lorsqu'on sait que tout va finir ? Le brun pleurait-il dans sa chambre ? Se sentait-il apaisé ? Avait-il peur ?
La Seigneuresse ne le défendrait pas. Dans le cas contraire, elle risquait son grade. Tout le monde sait, hélas, qu'elle désire le pouvoir. Le brun verrait ses yeux se poser sur lui lorsque Lucifer annoncera sa sentence...
Qu'est-ce qui sera le plus douloureux ? L'abandon de sa bien-aimée ou la mort ?

Je regardai l'assiette en porcelaine dans mes mains. Les bords étaient dorés, au milieu, deux personnes s'enlaçaient. Est-il vraiment permis de s'aimer ici-bas ?
Puisque toutes nos relations sont vouées à l'échec, puisque nous épouserons des femmes prédéfinies, à quoi bon chercher l'amour ? À quoi bon le trouver ?
Si c'est pour qu'Orlando meurt à cause de celui-ci, si c'est pour qu'Eidjina me soit arrachée...

Pourquoi prendre la peine de souffrir ?
Pourquoi n'avons-nous pas le droit de choisir la personne qui entrera dans nos cœurs ?
Pourquoi craignons-nous les sentiments ?
Pourquoi tombons-nous amoureux ?
Pourquoi tout cela est mal ?

Ces questions n'ont et n'auront jamais de réponses.
Depuis le début de ce récit, vous voyez l'Enfer sous son meilleur jour : un royaume fort, un monarque puissant capable de protéger son peuple des menaces extérieurs, un lieu de justice qui condamne les plus mauvaises âmes...
La Géhenne n'est pas féerique. Sa véritable nature vous la connaissez : des gens sont torturés pour l'éternité, des innocents s'y perdent et souvent sont punis sans raison, le peuple n'est pas libre d'épouser qui il veut, de vivre où il veut, de parler à qui il veut, d'exercer le métier qu'il veut, ou d'être juste traité comme il le doit ! Le respect, l'égalité, la pitié, l'humilité, la compassion, ou l'affection n'existe pas ici. Ou alors sont bannis voire punis.
Si vous n'êtes pas un des princes, vous ne pouvez pas être libre. Et parfois même si vous en êtes un, vous avez moins de valeur que les autres.