Judicaël : Un dîner presque parfait 🥀

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« J'appelle ça être lâche ! »

Mon regard sondait le vide tandis que mes mains arrangeaient un bouquet de fleurs mécaniquement. Le mot fatidique prononcé dans la bouche de l'insolente m'avait mis en rage et j'avais perdu le contrôle de mes émotions. Grave faute professionnelle. À l'avenir, je me devais d'être plus prudent afin de ne laisser paraître que mon masque de majordome irréprochable. Cependant, depuis cette altercation, des questions fusaient dans mon esprit, refusant de laisser ma conscience tranquille.

Obéir à ses supérieurs par rapport de force est-ce être lâche ? Si on en croit la logique de l'âme égarée, oui. Mais nous ne sommes pas chez les humains, nous ne vivons pas avec des idéaux de paix et d'amour. Ici, tout a toujours été une question de pouvoir et de manipulation. L'injustice est quotidienne, la souffrance une habitude, et le bonheur un songe.

Pourquoi prendre la peine de m'interroger, d'ailleurs, puisque mon chemin de croix est une évidence ? Je soupirai profondément, sachant qu'Eidjina était la cause de mon trouble. En parlant de celle-ci, cela faisait à peine deux nuits qu'elle était sous l'emprise de la paralysie glaciaire. Je ne m'estimais ni cruel ni trop doux, ayant réussi à la faire rentrer de force dans les codes de soumission de la Géhenne. Néanmoins je décidai de ne pas faire durer la torture trop longtemps, car me débarrasser d'elle de cette manière aurait été lui accorder raison, et par conséquent, reconnaître mes torts.

J'utilisai donc le moment de répit offert pour établir un plan de tutelle efficace. L'enfermer dans une pièce était décidément une mauvaise idée, de ce fait, j'allais devoir lui trouver une occupation. Problème numéro un : elle allait m'en vouloir pour sa punition et probablement être encore plus désagréable qu'elle n'en avait coutume !

- Il faut faire diversion, conclus-je à voix haute.

Je m'aperçus être sorti de mon mutisme et cela m'agaçait prodigieusement. L'humaine et son bavardage déteignaient sur ma personne, il fallait que je me reprenne en main !

J'eus l'idée d'organiser un repas. La nourriture n'était plus quelque chose d'obligatoire pour les défunts mais c'était toujours appréciable. Inquiet de la perdre à nouveau, qu'il lui arrive malheur et que la responsabilité retombe sur moi, je me dis qu'ensorceler les ingrédients serait utile. De cette façon, je pourrai la localiser sans soucis où qu'elle se trouve. L'effet serait temporaire mais c'était déjà ça de pris ! Fier de mon plan, je partis chercher une salle à manger de libre dès que j'eus fini mon travail.

Je dresse une table avec élégance, sortant la porcelaine et les beaux couverts. Chaque chose trouva sa place sur la nappe en lin et je fus satisfait en reconnaissant là ma soif de rigueur. À présent, il ne me restait plus qu'à préparer à manger. Une tâche très facile qui alla assez vite. Je mis pour finir les plats sous cloche, n'oubliant pas d'y glisser un peu de magie.

Eidjina était une statuette parfaite. Lorsque je pénétrai dans la pièce, elle avait gardé la même expression d'inquiétude sur le visage, la même position du corps - mains sur les jambes - et le même regard. Je referme derrière moi et m'approche d'elle, la fixant en silence, les bras croisés sur mon torse. Ses cheveux noirs étaient en bataille et ses prunelles sombres intrigantes. Les humains nous ressemblent physiquement puisque nous possédons une double apparence : celle qu'on façonne à notre bon vouloir et celle démoniaque qui n'apparaît que lorsque nous sommes hors de contrôle. Je devais avouer que la femme vêtue de rouge n'était pas vilaine bien qu'elle n'ait pas le loisir de choisir sa morphologie comme nous.

La jupe de sa longue robe atteignait ses chevilles, laissant deviner la silhouette de ses jambes. Une petite ceinture serrait sa taille pour laisser le bas de son vêtement s'élargir avec distinction et mettre en valeur ses hanches tandis que son col carré laissait apparaître un fin pendentif. La tenue possédait aussi des manches courtes bouffantes. J'admets qu'elle est très jolie quand elle est sage, et que son vocabulaire n'est pas trop dégarni. Dommage qu'elle soit bavarde et qu'elle n'en fasse qu'à sa tête à longueur de temps !

Soumis À Leur DestinDonde viven las historias. Descúbrelo ahora