Judicaël : Ce qu'on ne dit pas 🥀

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Le Comte Aaron, surnommé « le Silencieux » en raison de sa discrétion légendaire, ne devrait pas être ici. Il est le chef des espions infernaux et ne se montre quasiment jamais. Que fait-il là ? À l'instant où je l'ai découvert, j'ai su n'avoir aucune réponse. Le Comte ne dévoile jamais ses missions et n'est soumis qu'à l'autorité du Diable dont il est « l'ami ». Honnêtement, aucun des deux ne connaît la signification du terme, ils ont juste les mêmes préoccupations et font en sorte d'être toujours d'accord. Voyez cela comme un arrangement politique.

— Que nous vaut l'honneur de cette rencontre ? L'interrogeai-je avec prudence.

En soi, il n'a rien d'un ennemi puisqu'il est directement affilié à la couronne. Pourtant, sa présence est suspecte. Pourquoi Sa Majesté ne m'a-t-elle pas tenu informé d'un détail aussi important ? Avait-elle connaissance de la situation ? Si ce n'est pas le cas, c'est anormal.

Orlando, pour sa part, semble très mal supporter l'intrusion. Une rumeur circule disant qu'Aaron aurait menacé la Seigneuresse Lilith si elle s'en prenait à Lucifer. C'est sans doute ce qui alimente l'animosité du brun envers l'espion…

— Quelle politesse irréprochable, Judicaël, railla ce dernier.

Le Comte est de nature moqueuse. Il ne peut empêcher chacune de ses phrases d'être légèrement blessante car les mots prennent d'eux-mêmes une tonalité railleuse dans sa bouche.

— Ce n'est que mon métier, répondis-je.

— Seriez-vous un rustre dans votre vie personnelle ? Ricana mon interlocuteur.

— Je ne peux vous le dire : je n'en ai pas.

Le brun intervint dans notre échange :

— Vous pourriez être un traître !

— Moi ? Sourit l'autre. Vous accusez à tort, Orlando. Je regrette de voir à quel point vos manières sont douteuses.

— Elles le sont car vous avez insulté ma Seigneuresse ! Et vous foulez son sol sans permission !

Le Comte eut un rire grinçant.

— Vous êtes bien touché pour une simple menace, dit-il. N'êtes-vous pas un modèle de perfection d'habitude ?

— Je suis toujours maître de moi, affirma Orlando dans un grondement sourd.

Aaron pencha la tête d'un côté et murmura :

— Serait-ce le poids du mensonge qui vous accable, très cher ?

Relevant sans peine l'accusation sous-jacente, j'eus le réflexe d'observer mon idole. La défunte, restée derrière moi, fit de même. Nous ne pûmes manquer la pâleur qui s'installa sur le visage hâlé du démon et nous fronçâmes les sourcils simultanément.

— Que voulez-vous dire, Vôtre Silence ? Demandai-je à l'espion.

Il s'appuya de nouveau à la rambarde, paraissant plus détendu que jamais lorsqu'il sifflota :

— Tout le monde à des secrets, Judicaël. Vous le savez bien…

Je me raidis sous la menace, comprenant qu'il parlait sans doute du pacte entre Ewan et moi. Mais comment peut-il savoir ?

— Sur ces belles paroles, je m'en retourne à mes occupations, lança-t-il ensuite.

Alors qu'il s'apprête à partir, l'indienne sort de ma protection pour prendre part au face à face. Mes yeux asymétriques se posèrent sur l'impétueuse osant affronter le Silencieux, et je me demandai pourquoi sa fougue me touchait tant. C'est vrai : j'ai toujours suivi le même schéma. J'ai toujours voulu devenir un serviteur plus docile pour mes maîtres. Alors pourquoi, parmi tout ce qui existe en ce monde, les flammes de l'insolence me fascinent ? Serait-ce l'ironie du sort ?

Soumis À Leur DestinWhere stories live. Discover now