Judicaël : Double-Jeu 🥀

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J'observais Eidjina d'un coin de la salle, à l'affût du moindre geste suspect qui aurait pu trahir une situation dangereuse. Le Doppelgänger était un adversaire redoutable, connu ici-bas pour sa courtoisie distante, il était craint pour son imprévisibilité.

Cela n'augurait rien de bon pour nous...

Ayant fini de régler mes affaires avec ma sœur et refusant de les perdre de vue, je décidai de me mettre à l'écart et d'observer attentivement l'échange entre l'âme et Sebastian. Après tout, il n'aurait pas fallu grand-chose pour qu'un drame se produise. De mon poste, j'eus presque l'impression qu'ils faisaient normalement connaissance et cela me força un léger respect envers l'humaine. Il fallait avoir beaucoup de calme et de maîtrise pour faire face à une créature semblable, capable de nous anéantir d'un coup malheureux.

Le bruit des bavardages incessants m'empêcha d'entendre leur discussion, ce qui m'obligea à ne prendre en compte que leurs gestes. Puis, un instant, Eidjina m'offrit un coup d'œil furtif. Un signal terriblement bref que, par je ne sais quel miracle, je saisis.

Ainsi, je me dirigeai vers eux sans courir mais sans traîner non plus, arrivant à leur hauteur quasi naturellement. Les yeux du Doppelgänger croisèrent les miens. Il me salua d'un banal hochement de tête derrière lequel je décelai immédiatement une menace.

- Appréciez-vous la compagnie de ma cavalière, Sebastian ? M'enquis-je en feignant la courtoisie.

Une courbe condescendante naquit de nouveau sur ses traits.

- Elle est fort charmante, il est vrai, me répondit-il. Vous ne m'en voulez pas j'espère, d'avoir usé un peu de son temps ?

- Non, cependant, je suis curieux de savoir de quoi vous parliez... Vous paraissiez bien vous entendre, remarquai-je.

Mon accusation sous-jacente l'amusa.

- Ne craignez rien, Judicaël : nous n'échangions que des amabilités d'usages. Néanmoins, ajouta-t-il vicieusement, je peux sans mal saisir votre trouble puisqu'il est si rare que vous soyez accompagné...

J'hausse un sourcil tandis qu'Eidjina dissimule difficilement un sourire. Voir quelqu'un d'autre qu'elle me lancer un pic - et de manière si élégante, hélas - parut faire son bonheur.

- Voilà des sous-entendus peu appréciables, Sebastian, l'avertis-je.

- Dois-je m'excuser ? S'étonna-t-il faussement.

Je cherchai une réponse adéquate, n'ayant ni le droit de remettre un convive à sa place, ni celui de laisser un possible traître s'en sortir aussi facilement.

- J'ose croire que vous portez une certaine rancune vis-à-vis de ma personne, répliquai-je.

- Ne voyez pas tout en noir, Judicaël, et apprenons plutôt à nous connaître. Il est vrai que des préjugés persistent entre nous, probablement dû à nos lacunes réciproques...

Un instinct s'éveilla en mon être. Le double maléfique voulait nous retenir, ce qui ne pouvait signifier qu'une seule chose : une attaque se préparait à l'instant même où nous parlions. Décidé à mettre son plan en échec, je voulus décliner son offre poliment - si tant est que cela soit possible - mais l'humaine m'arrêta :

- C'est une excellente idée ! S'exclama-t-elle.

Surpris, je lui lançai un regard oblique. Ne s'apercevait-elle pas de la supercherie ? Ou alors préférait-elle se concentrer sur une dispute plutôt que sur notre mission ? Dans tous les cas, il fallait mettre fin à cet échange le plus vite possible.

- J'ai bien peur de ne pas disposer du temps nécessaire, me dérobai-je en conséquence.

Mon fardeau ne l'entendait pas de cette oreille, semblait-il, car elle s'évertua, à mon plus grand dam, à compliquer ma retraite :

Soumis À Leur DestinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant