Eidjina : L'Ombre Angélique

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Le ciel rouge avait quelque chose de plus terne que d'habitude, sans pour autant être noir. C'est comme si un voile le recouvrait : une couverture de poussière qui s'était élevé suite au coup d'État.

Cela faisait peut-être deux jours humains que le massacre était fini, pourtant, il était aussi frais dans les mémoires que s'il avait eu lieu le matin même.
Le palais étaient ravagé, et Judicaël m'avait avoué qu'il faudrait un certain temps avant qu'il ne soit parfaitement reconstruit. Ce genre de chose n'était pas nouveau ici, mais il n'est pas toujours facile de se relever.
Juste après l'arrêt des combats, tous les survivants eurent pour mission de nettoyer le château, c'est ainsi que j'avais décidé d'aider à lustrer les sols maculés de sang, pendant que le majordome se débarrassait des cadavres avec un autre groupe, et que les derniers sortaient les débris.
Après un jour, si je puis dire, la demeure était propre. Ensuite, la reconstruction des murs, la solidification de la structure et l'aménagement de nouveaux espaces ont été relégués aux meilleurs architectes.

Judicaël et moi étions toujours en froid, sans pour autant être en conflit. Nos échanges étaient brefs et sans implication. Il faut dire que le domestique avait beaucoup de choses à penser, et que me liberté n'était pas pour plaire aux princes. Ceux-ci semblaient déjà organiser une offensive pour sauver Lilith et retrouver Belphégor, mais bien sûr je n'avais plus l'autorisation de m'impliquer dans les affaires gouvernementales. Faute de cachots en bonnes états, j'étais restée libre de me balader dans le palais, sans pour autant en sortir et toujours sous surveillance. Cependant je ne m'en plaignais pas, mon sort aurait pu être bien pire.
Apparemment Prêmélas aurait tué Sebastian, l'annonce avait été assez étrange et peu de personnes croyait la version de l'Omniscient. À tous les coups il avait volé le mérite d'un autre. Bref, le calme était revenu mais tout dans l'atmosphère laissait présager qu'un prochain combat était imminent.

J'entrai dans ce qui ressemblait à un bureau.  Un trou dans le mur le reliait désormais à une grande salle voisine, et quelques poutres de soutiens avaient été placées par-ci par-là. Je zigzaguai entre les travaux pour rejoindre le majordome. Il lisait un livre posé sur le vieux secrétaire qui avait survécu au massacre.
- Judicaël. L'interpelai-je.
Il se retourna vers moi lentement. Ses yeux n'étaient ni en colère ni méprisant, simplement lasse.
- Qui a-t-il ? Soupira le démon.
- Je me demandais si tu avais besoin d'aide pour quoi que ce soit.
- C'est très aimable mais non. Les seules choses sur lesquelles je travaille tu n'es plus habilité à les faire. Me répondit-il.
Nous avions décidé d'un commun accord de rester sur le tutoiement, puisque de toute façon tout le monde se doutait de quelque chose entre nous. Heureusement et malheureusement le Coup d'État occupait encore tous les esprits alors notre rapprochement soudain était le cadet des soucis de Lucifer. Néanmoins, à cause de toute cette agitation nous n'avions aucun instant pour nous. Et d'ailleurs, je ne pensais pas que le domestique désirait avoir un moment avec moi.
Notre réconciliation était encore bancale.

Je restai debout sans savoir quoi faire. Ennuyé, il referma son ouvrage et le déposa sur une pile de livres à sa droite. Il la prit dans ses bras avant de venir dans ma direction.
- Tiens, range-les dans la réserve, c'est la seule "bibliothèque" encore en parfait état. Me dit-il.
Je les pris sans réchigner et partis.
Le château s'était terni depuis l'attaque, malgré le grand ménage qui avait permis de retirer toute la poussière, une couche grise opaque volait encore dans l'air. Je pris mon temps pour traverser les couloirs, n'ayant de toute façon pas grand chose d'autre à faire.
J'arrivai enfin à l'endroit désiré, m'enfonçant entre les rayonnages obscures pour trouver leurs initiales et bien remettre mes bouquins à leur place.
Cela fut mortellement ennuyant, au point que je finisse par me perdre dans mes pensées...

***

- C'est tellement pitoyable. Murmura une voix derrière là où je me trouvais.
Je sursautai violemment en lâchant les deux derniers livres entre mes mains.
À

Soumis À Leur DestinWhere stories live. Discover now