Chapitre 2

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Cela fait quelques jours qu'il ne cesse de neiger par intermittence, et je n'ai pas revu l'étranger du métro ni son chien. À l'évidence, je m'inquiète pour lui et regrette de lui avoir rudoyé sans raison. La peur nous transforme et nous fait réagir de façon inexplicable et avec du recul, je me rends compte qu'il ne cherchait évidemment qu'à survivre, meubler sa journée, peut être juste à parler avec quelqu'un...

Finalement, je l'ai cherché, tous les matins d'une station à l'autre avec un billet de 10 euros au creux de ma main, mais en vain. Aussi je me suis fait une raison, je ne le reverrai plus.

Nous sommes samedi, et tout est prêt pour ce soir. Nous avons fait les choses en grand et avons déplié le tapis rouge jusque dans la rue. Il neige encore, et Elsa est stressée comme moi. J'espère qu'ils ne vont pas annuler au dernier moment... Le traiteur a préparé un magnifique buffet et les musiciens s'accordent. Les lumières sont prêtes et nous n'attendons plus que notre client et ses invités qui ne sauraient maintenant plus tarder. Je sors dans la rue par l'entrée des artistes et arrive dans l'allée centrale, mais ce que je vois me bloque dans mon élan.

- Oh putain de merde ! Il va tout gâcher !

Je cours et manque de glisser avec mes talons aiguilles sur le verglas et me poste devant lui. Il est assis juste à côté de l'entrée du théâtre et vient de sortir sa petite coupelle, on dirait qu'il s'en amuse.

- Vous ne pouvez pas rester ici !

Il lève les yeux vers moi et ne parait pas surpris.

- Pourquoi ?

- Parce que nous attendons du monde ! Vous devez partir, allez ailleurs !

- C'est là que vous travaillez ? Joli...

Je ne sais pas pourquoi, je le saisis par le coude pour l'obliger à se relever.

- Hey tout doux... Je suis au sec ici...

- Non, venez...

- Où ?

- Vous voulez de l'argent, c'est ça ?

- C'est une idée ou un truc à manger... pour moi et mon chien.

Je me rends compte que mon sac est resté dans mon bureau. La cloche de l'église toute proche sonne huit coups, c'est la merde ! Ils vont arriver !

- Bon suivez-moi, je vais vous donner quelque chose, mais après vous devrez partir de là !

Il se lève et je le précède dans la ruelle qui mène à l'entrée des artistes d'un pas rapide. Une fois à l'intérieur, le chien s'ébroue sur le carrelage et l'homme l'imite, laissant une petite flaque. Je lui fais signe de déposer ses affaires, il est hors de question qu'il macule mon théâtre et encore moins qu'il fasse peur aux employés.

- Le chien reste ici.

- Non, désolé, le chien ne me quitte jamais.

Mais je n'ai pas le temps de parlementer, aussi, je lui demande de me suivre dans l'escalier qui mène aux loges. Il y en a une qui sert de débarras, elle fera bien l'affaire pour dissimuler sa présence. Lorsque nous pénétrons à l'intérieur, il se dirige directement vers le petit lavabo et commence à se laver les mains avec un reste de savon.

- Bien vous ne bougez pas de là ! Je reviens avec de quoi vous rassasier, mais si jamais je vous vois fouiner, j'appelle immédiatement la police.

Mais pour toute réponse, il me renvoie un sourire que je distingue pourtant sous sa barbe.

Je fonce vers la salle où se déroule le buffet et prends une assiette, je place tout ce que je trouve et fais une montagne de nourriture sous les regards médusés des serveurs qui imagine sans doute que j'ai une soudaine fringale incontrôlable. Je m'apprête à disparaitre le plus vite possible, quand Elsa me hèle.

MB MORGANE - Pari(s) Z [Terminé]Where stories live. Discover now