7. L'aiguille

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— Les sondes ont atteint leur but, Amiral ! Seule deux d'entre elles n'ont pas résisté à leur entrée dans l'atmosphère. Celles qui se sont écrasées sur la face éclairée nous ont donné des images d'une netteté fantastiques ; cette lune ressemble comme deux gouttes d'eau à notre planète originelle...

— Essayons d'éviter le terme de « goutte d'eau » pour l'instant, reprit-elle en faisant référence à l'étrange vaisseau qui était venu à leur rencontre. Avez-vous découvert quelque chose qui puisse ressembler à une de leurs coupoles, ou à leur vaisseau cargo ?

— Hélas non, Amiral. Mais nous n'avons pas encore eu le temps d'analyser toutes leurs données. N'oubliez pas qu'il y en avait une centaine et que chacune d'elles nous a envoyés, non seulement des images dans le spectre visuel, mais également dans les bandes de fréquences infrarouges et ultra-violettes. Il va nous falloir une bonne journée pour analyser tout cela en détail.

— Et qu'en est-il de celles qui se sont écrasées de l'autre côté... là où il faisait nuit ?

Le Second, resté concentré sur ses écrans jusque là, prit enfin la parole :

— De sérieux ouragans, encore pires que ceux que nous connaissons sur notre planète, étaient en train d'y faire rage Amiral. Nous ne vous en avons pas encore parlé. Mais il faudra sérieusement en tenir compte lors de la préparation de votre prochain saut. D'importantes masses nuageuses, combinées à la pénombre de la nuit, n'ont pas permis à ces sondes de nous donner d'aussi belles images. Mais nous nous en occuperons dès que nous aurons terminé d'analyser celles qui se sont écrasées en plein jour.

— Il n'en est pas question ! reprit l'Amiral. Je veux que vous analysiez les données de toutes les sondes immédiatement... Mettez-y la main-d'œuvre nécessaire. Réveillez l'équipe de nuit s'il le faut. Nous n'avons plus une seconde à perdre.

L'Amiral s'installa derrière une des consoles, restées libres, et commença à accéder aux données qui n'avaient pas encore été analysées. Le Second fit rappeler du renfort, comme sa supérieure le lui avait ordonné.

À peine une heure plus tard, un des spécialistes d'interprétation photographique remarqua quelque chose d'insolite : une des sondes, qui avait pénétré la couche d'épais nuages dans la pénombre de la nuit, détecta, très brièvement, un petit point lumineux avant de s'écraser.

Le spécialiste dû visionner cette séquence à plusieurs reprises, image par image, avant d'identifier ce point comme étant... un petit feu ! L'Amiral lui demanda d'amplifier ces images dans le spectre infrarouge. Ce fut alors qu'il s'écria :

— Regardez ! Il y a des gens qui dorment à même le sol là, autour d'un feu, on dirait qu'ils sont dans une sorte de coupole. Et un peu plus loin... ces énormes taches claires que l'on voit sur les images infrarouges. Ce sont les signatures thermiques des quatre réacteurs à fusion d'un vaisseau cargo de type... TXL. Nous avons enfin trouvé votre aiguille, Amiral !

Une clameur de joie vint l'interrompre. Le Chef navigateur, fier de la prestation de son équipe, se leva en applaudissant. Le Second se leva à son tour en s'adressant à son supérieur.

— Je suppose que la deuxième navette ne sera pas nécessaire, Amiral. Vous comptez sans doute y aller tout de suite ?

— Alertez immédiatement l'escadrille spatio-temporelle, lui répondit-elle. Nous y allons avec le personnel de ma navette et les quatre chasseurs. Tant pis pour la deuxième... Je veux que tout le monde soit prêt d'ici une heure. Allons réveiller ces dormeurs insouciants !

— Mais Amiral, reprit le professeur. Notre vitesse est encore bien trop élevée. Vous allez vous faire éjecter de l'atmosphère de cette lune. Ou bien vous écraser à sa surface, comme l'ont fait nos sondes !

— Cher professeur... Je suis certaine que vous serez capable de nous trouver l'angle de pénétration idéal qui nous tiendra exactement en équilibre entre ces deux options. Nous y allons immédiatement, quitte à devoir effectuer une orbite complète au sein de son atmosphère afin d'y réduire notre vitesse !

La navette, équipée de son deuxième anneau, ainsi que les quatre chasseurs furent amenés, en toute hâte, sur la plateforme de lancement. Le professeur supervisait la manœuvre tout en préparant les coordonnées exactes de leur saut.

Les six pilotes, ainsi que les huit membres des Forces Spéciales, révisaient l'exécution de leur mission. Ils analysèrent une dernière fois les relevés topographiques de la région dans laquelle ils allaient s'aventurer. Le professeur les interrompit...

— Amiral, excusez-moi, mais cette précipitation imprévue me place dans l'embarras. Nous n'avons pas encore discuté d'une chose importante...

— Allez-y professeur, répondit le Chef d'escadrille essayant de reprendre le contrôle des événements.

— Oui, excusez-moi Commandant, reprit le savant en se tournant vers lui. Nos engins ne sont pas encore capables de programmer, d'eux-mêmes, leurs sauts dans l'espace-temps.

— Que voulez-vous dire par là ? demanda l'Amiral.

— Cela veut dire qu'il vous sera impossible de revenir sur notre frégate, avant que nous ne vous ayons rejoint en orbite.

— Combien de temps cela prendra-t-il ? répondit-elle.

— Une bonne semaine, annonça-t-il tout embarrassé.

— Et quand comptiez-vous nous annoncer cette nouvelle ?

— J'espérais mettre ce dispositif au point incessamment, mais je rencontre encore des problèmes de processeur ; vos ordinateurs de bord sont trop limités pour calculer de façon précise les paramètres d'un saut spatio-temporel... 

J'ai bien essayé d'augmenter leur capacité, mais l'espace mémoire y manque, surtout dans les petits chasseurs. Je comptais vous en parler à votre réveil, mais, comme vous avez pu vous en apercevoir, j'ai été pris de court par les événements. Comme je vous l'ai déjà expliqué, je n'aurais jamais cru que vous pourriez effectuer votre saut aussi tôt !

— Qu'à cela ne tienne, répondit l'Amiral exaspérée. Nous y allons tout de même. Vous saurez bien vous passer de moi pendant une petite semaine. Le Second assurera le commandement de la frégate en supervisant votre mise en orbite. Nous allons en profiter pour prendre quelques jours de congé... en pleine nature ! Les membres de nos Forces Spéciales vous enverront quelques cartes postales de temps à autre.

Homo Sum 3 : l'éveil de l'humanité (Episode 3 : Libération)Where stories live. Discover now