18. Au dessus des cimes

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Le lendemain matin, Jean et ses compagnons avaient préparé un copieux petit déjeuner à l'intention de leurs visiteurs. Ces derniers furent surpris par l'abondance de fruits et légumes divers qui leur furent présentés.

Ils en écrasèrent certains, en coupèrent d'autres en petits morceaux pour enfin tout mélanger dans de l'huile avec des graines et des noix. Le résultat de cette recette sembla plaire aux membres de l'équipage de la frégate. Ils en reprirent tous une seconde ration, qui les revigora immédiatement.

Une fois leur repas terminé, Jean invita l'Amiral à se rendre avec lui vers une tente restée vide. Il lui fit découvrir les parachutes et les harnais dont ils se servaient afin de s'élever dans les airs d'Éden. Elle lui demanda si elle pouvait en tester l'usage.

Il fut surpris par son audace, se rappelant qu'il avait, à plusieurs reprises déjà, failli s'écraser en tentant de maîtriser ces montures de toiles et de cordes. Il lui proposa d'utiliser un des harnais biplaces qu'ils s'étaient confectionné à des fins d'écolage... Ce fut sous les regards étonnés des membres de l'équipage de la frégate, ainsi que ceux ébahis des Forces Spéciales, qu'ils se rendirent, en compagnie de Marie Madeleine, au bord de la falaise.

Les deux gardes du corps, se demandant s'ils n'étaient pas encore en train de rêver, assistèrent au décollage de l'aile sous laquelle Jean et l'Amiral s'étaient fixés à l'aide de leur double harnais. Marie Madeleine s'envola peu après eux, venant se mettre en formation à leur côté. La force du vent, rebondissant sur la falaise, les fit rapidement prendre de l'altitude. Ils n'entendirent sans doute pas les cris désespérés du Commandant d'escadrille leur enjoignant de revenir immédiatement se poser !

Jean suivit l'une des arêtes qui montaient vers le sommet des montagnes. Les courants ascendants qui longeaient celle-ci lui permirent de s'élever à hauteur des plus hautes crêtes du relief, comme il avait pris l'habitude de le faire.

La vue qu'ils avaient de Magdala était magnifique... Marie Madeleine les quitta, s'étant aperçue que Jean arrivait parfaitement à manier son aile, malgré les fortes conditions atmosphériques. Le poids additionnel de l'Amiral donnait à celle-ci bien plus de stabilité que s'il s'était trouvé seul sous sa monture.

Ils continuèrent d'explorer l'île en longeant les cimes de ses plus hautes montagnes. Certains de leurs sommets restaient constamment enneigés. Mais ils ne s'attardèrent pas trop longtemps à une telle altitude. L'Amiral commençait déjà à grelotter.

Ils firent demi-tour, tout en descendant à une hauteur plus confortable, afin de retourner vers le campement. Jean, s'étant quelque peu écarté du relief, proposa à l'Amiral de prendre les deux poignées qui servaient à diriger leur aile.

Elle n'hésita pas une seconde et négocia prudemment quelques virages, de plus en plus serrés. Lorsqu'il s'aperçut qu'ils avaient perdu assez d'altitude, il lui fit signe de mettre le cap vers Magdala. Il n'avait nullement l'intention de refaire la même erreur qu'à son arrivée sur Éden ! Bien que son envie fut grande de se diriger sous la falaise, pour ensuite pénétrer la caverne par le trou béant qui y donnait accès, comme il l'avait fait la toute première fois avec les oiseaux...

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Durant ce temps, les membres des Forces Spéciales, aussi surpris que le reste de leur équipe de ce qui était en train de se passer, signalèrent l'incident au Second... Celui-ci s'exclama à nouveau, comme il semblait avoir pris l'habitude de le faire :

— Mais qu'est-ce qu'ils foutent là en bas ! Je n'aurais jamais dû la laisser descendre sur cette lune... Ne la perdez de vue sous aucun prétexte. Prévenez-moi immédiatement lorsque cette mascarade sera terminée et qu'ils se seront posés... En espérant pour vous que ce soit sans dégât !

— Bien compris Commandant. Voulez-vous que nous intervenions ? Nous pourrions reprendre la situation en main...

— Non, restez où vous êtes, nous aurons besoin de vous lors de notre assaut final... Et vos observations s'avèreront extrêmement utiles. Nous serons en orbite d'ici quelques jours. Espérons qu'ils se calment un peu d'ici là !

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Le vol prit fin sans encombre. Ils se posèrent au beau milieu du campement sous les applaudissements des spectateurs réunis en grand nombre pour les accueillir. L'Amiral garda les commandes jusqu'à ce qu'ils soient tout près du sol. Ce fut néanmoins Jean qui eut la sagesse d'effectuer l'arrondit final, face au vent comme son expérience le lui avait appris.

Il rabattit leur voile immédiatement vers le sol afin de ne pas se faire emporter par les fortes bourrasques. Ils se déconnectèrent rapidement de leurs harnais et retournèrent vers la tente pour y rapporter leur matériel de vol. L'Amiral, ravie de cette expérience, s'adressa à Jean en souriant :

— Votre nouveau monde est vraiment magnifique. Et la petite communauté que vous avez bâtie ici m'impressionne grandement.

— Merci Amiral, répondit-il. Pourrais-je me permettre de vous demander une faveur ?

— Laquelle ?

— Vos chasseurs FXS... Vous savez que j'en ai piloté durant mon entraînement de cadet de l'espace.

— C'est exact, répondit-elle curieuse d'entendre la suite.

— J'aimerais y prendre place. Je me demande si je me souviendrai de leur instrumentation. Ils représentent tant de merveilleux souvenirs pour moi !

— J'ai quelque chose de mieux à te proposer Jean. Tu m'as fait le plaisir d'effectuer ce vol en tandem au-dessus de vos magnifiques montagnes. Va t'amuser tout seul à bord d'un de nos chasseurs ! Tu verras, c'est comme rouler à bicyclette, ça ne s'oublie pas...

Jean n'en crut pas ses oreilles. Il n'arriva initialement pas à comprendre pourquoi l'Amiral était prête à prendre le risque de le laisser seul aux commandes d'un de ses chasseurs. Il pourrait décider de s'enfuir, ou bien pire, d'utiliser son armement contre eux !

Mais après plus amples réflexions, il réalisa que cela ne lui servirait qu'à mettre la vie de ses compagnons en péril... Il accepta donc avec joie, et sans aucune arrière-pensée, l'offre qui venait de lui être faite.

Après avoir enfilé le casque et la combinaison de l'indiscipliné, qui avait sensiblement la même taille que lui, il gravit l'échelle escamotable qui donnait accès au cockpit de l'appareil. Il ne put empêcher quelques larmes de joie de venir perler au bord de ses yeux.

L'Amiral qui avait pris place sur l'échelle l'aida à se harnacher. Elle lui rafraîchit brièvement la mémoire quant aux différentes fonctions des multiples instruments et commandes de son chasseur... sans lui mentionner la présence du deuxième anneau qui avait été mis en position horizontale juste avant qu'il atterrisse. Jean n'écoutait presque plus ce qu'elle lui disait. Les souvenirs qui remontaient à la surface l'emportaient bien loin... vers son enfance, vers la pyramide.

Lorsqu'elle eut achevé ses explications, l'Amiral descendit de l'échelle la laissant se rétracter automatiquement à l'intérieur de l'appareil. Jean referma sa verrière, se remémorant ce vol extraordinaire où il rentra à la base en décapotable après sa rencontre avec le ptérodactyle...

Il fit un dernier signe de la main aux spectateurs venus nombreux assister à cet événement, pour le moins imprévu ; puis se concentra entièrement sur la procédure de démarrage de ses réacteurs. L'Amiral lui avait bien précisé de ne pas toucher à cette poignée supplémentaire, qu'il n'avait encore jamais vue, située juste à côté de celle de son train d'atterrissage !

Homo Sum 3 : l'éveil de l'humanité (Episode 3 : Libération)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant