47. Mégalodons

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Les quatre chasseurs poursuivaient leur ronde, en file indienne, au-dessus des vagues de l'océan. La navette, quant à elle, s'était stabilisée en vol stationnaire au milieu de leur carrousel.

Marc et Mathieu se préparaient à descendre au bout de leur filin, tels de vulgaires appâts offerts en pâture à ils ne savaient quelle créature marine... Ils étaient suspendus face à face, afin de pouvoir se protéger l'un l'autre, comme Jean l'avait ordonné. Luc les fit lentement descendre jusqu'à la surface... d'où ils disparurent rapidement sous l'écume des vagues.

Cela faisait déjà plus de dix minutes que mes deux compagnons étaient sous l'eau. Aucun monstre n'était encore apparu dans nos environs. Marc et Mathieu avaient découvert un premier crâne de cristal. Il se trouvait, comme nous l'avait indiqué le Maître Melkisédech, au pied de l'une des douze énormes pierres, de l'imposante structure mégalithique, restée à la verticale.

J'aperçu soudain une sorte d'aileron, sortant à peine de l'eau, s'approchant de notre cercle. J'en fis part à notre spécialiste paléontologue qui ne tarda pas à s'écrier : « Mégalodon » ! Aucun d'entre nous ne comprit ce que ce mot signifiait, mais sa tonalité nous fit comprendre qu'il ne s'agissait pas d'une bonne nouvelle...

— On fait quoi ? lui demandai-je.

— Rien pour l'instant, répondit-il. Ces bestioles tournent parfois, durant des heures, autour de leurs proies... juste pour les fatiguer en les effrayant. Ils savent pertinemment qu'aucun animal marin n'est assez rapide pour leur échapper. Ils contemplent longuement leur repas avant de s'y attaquer. Ils sont passés maîtres dans l'art de faire durer le plaisir... Ça devrait te plaire ma belle, dit-il en s'adressant de façon évidente à la fille !

Celle-ci lui répondit d'un ton contrarié :

— Arrête de plaisanter, imbécile. C'est quoi tes machins ?

— Des mégalodons... Ce sont des requins géants. Ils peuvent atteindre une vingtaine de mètres de long, à l'âge adulte ! Aucun des monstres qui nous menacent n'est aussi rapide ni coriace qu'eux. Ce sont des répliques exactes de nos requins. Ils sont juste dix fois plus gros, plus forts... et plus rapides !

— OK, je l'attaque, répliquai-je. Je n'ai pas envie d'attendre qu'il se jette sur nos compagnons !

— Non Jean, répondit l'indiscipliné avec insistance. Tu n'arriveras qu'à l'exciter encore plus. Et son sang va, très certainement, en attirer beaucoup d'autres... Il a l'air de vouloir tourner autour de nous. Laissons-le faire. Il nous protège, en quelque sorte. Aucun autre monstre marin n'osera venir lui voler ses proies ! Et s'il s'approche trop de notre cercle, il nous suffira de remonter Marc et Mathieu... en vitesse !

— Marc, où en êtes-vous ? demandai-je alors.

— On en a déjà trouvé trois, me répondit-il. Plus que neuf... Nous comptons sur vous les gars. On ne voit pas encore notre visiteur d'ici. Il doit être trop éloigné...

Un deuxième aileron fit son apparition quelques minutes à peine après le premier. Il entama le même carrousel que son congénère, en sens inverse.

— Que fait-on maintenant Bleu 3 ? demandai-je. On attend qu'il ameute toute sa famille ? Ils ont l'air de se préparer un joli petit festin...

— Toujours rien Bleu 1, me répondit l'indiscipliné d'un ton qui tentait maladroitement de paraître calme. S'ils planifient un dîner entre amis, ça va encore leur prendre pas mal de temps avant qu'ils soient tous là ! Marc, Mathieu, grouillez-vous quand même ! Je n'ai pas envie d'avoir votre mort sur la conscience...

Il semblait avoir eu raison. D'autres ailerons, tout aussi menaçants, rejoignirent l'effrayant carrousel dans les minutes qui suivirent. Marc et Mathieu finissaient de récolter les crânes lorsqu'un des ailerons se mit à foncer à toute vitesse vers le centre de notre cercle. Je n'attendis plus un seul instant pour ordonner :

— Luc, prends de l'altitude avec ta navette et remonte les... tout de suite !

Il exécuta immédiatement mon ordre. Mes deux camarades se retrouvèrent, pendus, au-dessus de l'eau. Le requin géant, qui s'était approché d'eux, prit rapidement son élan... Il projeta sa gueule, plein de dents acérées, une bonne dizaine de mètres au-dessus des vagues.

L'horrible mâchoire se referma dans le vide à moins de cinq mètres de mes compagnons ! Ce fut alors que d'autres ailerons prirent la même direction que le premier. Je rompis notre cercle en m'écartant vers l'extérieur. Puis dans un virage serré, je me dirigeai à nouveau vers son centre.

J'attendis qu'une deuxième de ces créatures s'élève dans les airs afin de lui décocher une salve laser, qui la sectionna en deux parties égales. Je m'écriai alors en signe de victoire :

— Vous avez faim ? Dégustez-moi ça, bande de sardines géantes. On n'est jamais mieux servi que par soi-même !

Les monstres assoiffés de sang se jetèrent, sans hésiter, sur leur malheureux congénère. Une gigantesque mêlée de corps, gris et luisants, fit bouillonner les flots sous la navette. Très vite la surface de l'eau devint rouge écarlate.

Cela me rappela l'échange de coups de feu qui eut lieu lors de notre mutinerie. Là aussi, des êtres de la même race s'entredéchirèrent jusqu'à ce qu'un nuage de sang vienne les entourer...

Mais Luc me rappela rapidement à l'ordre :

— Jean, regarde. Le courant les emporte vers le sud. Ils ne seront bientôt plus au-dessus des pierres. Je ramène Marc et Mathieu à bord pour qu'ils y déposent les crânes qu'ils ont déjà trouvés et j'attends ton signal pour les redescendre. OK ?

— D'accord, Luc. Nous reformons notre cercle autour de vous en attendant. Mais pas trop de précipitation. On n'est pas à quelques minutes près...

— Si ! répondit-il pris de panique. Mon radar m'indique que deux chasseurs sont en route vers nous. Les stations côtières ont dû m'apercevoir lorsque je suis monté pour sortir Marc et Mathieu de l'eau. Ils seront là dans moins de deux minutes !

— Plus le temps d'aller chercher les crânes restant Jean, reprit Marc encore épuisé par cette plongée précédente...

— Ils ne sont que deux, signala l'indiscipliné. Nous sommes quatre chasseurs et une navette. Nous n'en ferons qu'une bouchée. Fais-nous confiance Jean, les Bleus sont invincibles en combat rapproché !

— Non ! criais-je dans mon micro. Nous avons déjà fait assez de victimes. Et si nous nous débarrassons de ces deux-là, une bonne demi-douzaine d'autres viendront immédiatement les remplacer... Activons nos commandes spatio-temporelles et programmons un saut, d'exactement dix heures, dans le futur. Retour au même endroit. Ils devraient bien avoir abandonné leurs recherches d'ici là ! Il est temps de tester nos nouveaux joujoux spatio-temporels...

Homo Sum 3 : l'éveil de l'humanité (Episode 3 : Libération)Where stories live. Discover now