58. Une vieille connaissance

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Le Maître Adama en profita pour nous présenter celui qui l'accompagnait. Il ressemblait, comme deux goutes d'eau, au petit être qui était venu à ma rencontre dans le jardin de ma ferme... à la seule exception que la créature que nous avions en face de nous mesurait près de quatre mètres de haut !

— Permettez-moi de vous présenter « Pan » : le Dieu des champs et des forêts. Il représente la conscience unifiée des forces de la nature.

Il s'agissait bien de l'être que j'avais rencontré... son énergie m'avait accompagnée durant mon voyage. Il avait des pattes de bouc, mais il se tenait droit comme nous. Je voyais ses sabots flotter à quelques centimètres du sol. Hormis sa tête et sa grande taille, le haut de son corps était identique au nôtre.

Je reconnaissais son large crâne au front bombé et ses petites cornes spiralées, coiffant ses énormes yeux dorés... des yeux qui me donnaient l'impression de me transpercer ! Ils étaient tachetés de lumières ; comme si l'univers, tout entier, nous regardait furtivement à travers eux. Ils me défiaient tandis que j'observais ses oreilles pointues, son menton effilé, sa beauté renversante.

Son regard intense décuplait l'efficacité de mes sens... Le paysage qui nous entourait était devenu encore plus magnifique. J'avais acquis une perception nouvelle de la réalité. Mon émerveillement était indescriptible ; j'avais l'impression de ne faire qu'un avec la nature, et le divin. Je pris conscience qu'un lien très intense nous unissait ; j'étais en train de devenir... Pan !

Ce fut alors, comme cela s'était passé dans mon petit jardin une quarantaine d'années plus tôt, qu'une multitude d'Élémentaux se mit à danser autour de nous. Je pus enfin les reconnaître, grâce aux explications que mon Guide m'avait données. Il y avait des nymphes, des dryades, des satyres, des elfes, des gnomes, des fées et d'autres petits faunes. Ces derniers jouaient de leurs flutes une mélodie hypnotisante qui me rappelait l'ambiance de nos soirées dans notre coupole, et sur Éden.

J'étais hors de l'espace... et du temps. Tout se passait de façon simultanée ; ma vie sembla défiler, ou plus précisément se résumer, en une seule image, en face de moi. Cette vision incluait également mon avenir. Je pris à nouveau conscience de l'importance de ma destinée... Je me rendais compte que l'accomplissement de notre mission allait s'avérer essentiel à la libération de l'humanité.

Pan m'avait entraîné, grâce à ses pouvoirs hypnotiques, dans la quatrième dimension : celle où l'on pouvait jouer avec le temps ! Il commença à relâcher son emprise sur mon subconscient. Je me retrouvai à nouveau entouré de mes compagnons ; ils n'avaient rien remarqué de ce qui venait de m'arriver. Les Maîtres Melkisédech et Adama venaient d'entamer une nouvelle conversation.

Ce dernier sembla fort intéressé par le récit succinct de nos aventures. Il nous expliqua brièvement que tous les êtres qui vivaient dans la quatrième dimension étaient très grands. Ils étaient heureusement capables de réduire leur taille, afin de ne pas trop nous impressionner, lorsqu'ils entraient en contact avec nous.

C'était sans doute pour cela que Pan avait choisi de m'apparaître sous la forme d'un petit faune, bien inoffensif, dans le jardin de mon enfance. S'il avait revêtit son apparence actuelle, je crois que j'aurais pris mes jambes à mon cou afin d'échapper à cet horrible monstre... surgi de nulle part !

Nous suivîmes nos hôtes, qui n'avaient, quant à eux, toujours pas jugé bon de réduire leur taille... sans doute parce qu'ils étaient chez eux ! Nous nous dirigeâmes vers leur merveilleuse cité, qui semblait nous avoir attendus depuis toujours.

Je pus distinguer, dans la nature environnante, d'autres lacs et de nombreux ruisseaux. Les arbres et les fleurs qui les entouraient étaient deux fois plus grands que ceux que nous connaissions. J'aperçus, à nouveau, des dragons, des licornes, des elfes et des fées qui virevoltaient au-dessus des forêts... comme nous le fîmes dans l'apesanteur de notre coupole durant notre long voyage.

Un essaim d'oiseaux blancs vint nous survoler avant que nous n'arrivions au bout du pont. Il disparu aussi rapidement qu'il était venu... sans laisser de trace. Cela ne pouvait être qu'une de ces myrrhes qui était venue me faire un petit clin d'œil !

Pan nous quitta, à mon plus grand regret, lorsque nous entrâmes dans la cité. C'était comme s'il avait eu peur de pénétrer cette immense structure de cristal. J'eus l'impression de revivre les souvenirs qui me restaient de mon arrivée au sein du dôme numéro 1 ; un intense trafic aérien de véhicules, plus ou moins semblables à la navette du Commandant Ashtar, y circulait.

Ses habitants étaient de la même taille que notre hôte... bien que certains d'entre eux n'aient pas tout à fait l'air humain. Des trottoirs mobiles transportaient les piétons vers leur destination et des traineaux magnétiques empruntaient le centre des allées, à grande vitesse.

Le Maître Adama identifia l'entrée d'un tunnel sous-terrain comme étant l'une des gares qui reliaient les différentes villes de son royaume. Les individus qui y circulaient ne portaient, bien sûr, pas d'implants. Mais une sorte d'assistant informatique recouvrait leur avant-bras. Notre hôte nous expliqua que ces « ordinateurs quantiques » fonctionnaient sur base cristalline d'acides aminés, en contrôlant également l'ensemble de leurs fonctions vitales !

Il nous apprit que le divertissement préféré des membres de leur communauté était de revivre virtuellement les différentes époques de notre histoire... en s'y immergeant à tel point qu'ils en devenaient les acteurs ! Le théâtre, la peinture et la musique étaient également fort appréciés. De nombreuses représentations, expositions et concerts étaient fréquemment organisés dans les différents centres culturels de la cité.

L'argent était inexistant ; tous les besoins des individus se voyaient assouvis par une nature luxuriante, ne nécessitant que très peu de travail. Peu de nourriture, exclusivement végétarienne, suffisait à leur subsistance. Chacun exerçait son métier avec plaisir, et de façon entièrement bénévole. 

Je me dis alors que la société que nous avions tenté de créer, au sein de notre petite coupole... et ensuite sur Éden, n'était pas fort différente de ce monde parfait que nous étions en train de visiter. Nous avions, en à peine une trentaine d'années, fondé les bases d'une nouvelle façon de vivre en communauté. Et si notre petit groupe avait pu y arriver, sans aucune aide extérieure, pourquoi notre humanité n'y arriverait-elle pas non plus ?

Le Maître Adama nous fit entrer dans l'un des plus hauts bâtiments de la cité, un ascenseur de verre nous emmena à une vitesse vertigineuse jusqu'à son sommet. Une salle panoramique, équipée d'une série de sièges ergonomiques, nous y attendait. Il nous invita à nous y installer, ce que nous fîmes de bon cœur... un peu de répit allait être le bienvenu !

La vue que nous avions d'ici était fantastique... presqu'irréelle.

Homo Sum 3 : l'éveil de l'humanité (Episode 3 : Libération)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant