26/ Entre des mains suspectes et barbares

687 95 0
                                    

Le premier œil ouvert lui indique qu'il fait jour. Le second, que son environnement immédiat n'est pas familier. La couche est plus grande que la sienne. La literie, d'un blanc immaculé. La chambre plus sobre et mieux rangée. D'un geste réflexe, elle soulève le drap et découvre qu'elle porte uniquement ses sous-vêtements, un ensemble mêlant dentelle et fibres synthétiques rose fushia et jaune canari. Cazzo !

Elle se redresse brusquement. Elle sent son cœur chavirer, son estomac se tordre, sa gorge se contracter. Elle se penche et tente de vomir, mais rien ne vient. En revanche, un vif élancement la fait grimacer. Un bandage lui entoure le haut du bras.

Alors lui reviennent les évènements de la veille.

Elle se laisse retomber en arrière en soupirant. Bon. Elle est dans une chambre inconnue. Seule et à moitié nue. Elle a été soignée. Et elle a soif. Une soif incommensurable. Et faim aussi. Et elle ne porte plus son collier.

— La belle au bois dormant est réveillée, dit alors Dieter qui vient de rentrer dans la chambre en faisant coulisser un panneau de bois tressé.

Il a choisi de garder l'apparence de l'étudiant. C'est celle qui lui correspond le mieux. C'est la plus proche du vrai lui. La plus décontracté aussi.


Matthew Fox ! Elle va le tuer ! Allegra se redresse, s'aperçoit que sa faiblesse ne lui permettra pas de se ruer sur l'adversaire. Elle abandonne provisoirement la partie.

— Je suis où ?

— Chez moi.

— Chez vous. Et je peux savoir où sont mes vêtements ?

— Dans la salle de bain. Je crains que la veste et le chemisier ne soient perdus. J'ai dû couper dans le vif.

— Vous avez fait quoi ? Ne me dites pas que vous avez découpé ma veste Dolce ?! Pas ma Dolce ! s'exclame Allegra en mettant ses mains devant sa bouche d'horreur.

Matthew Fox la fixe, mi-étonné, mi-amusé.

— Si.

— Je vais vous tuer !

— Faites la queue.

— Cazzo !

— Je suis curieux. Ça veut dire quoi ce mot ?

— C'est de l'italien. Et ça veut dire au choix : « merde », « connard », « enfoiré ». Ou les trois combinés. Ça vous va ? répond-elle en s'enroulant dans le drap pour se lever.

Le choc d'apprendre que sa précieuse et adorée veste Dolce & Gabbana vert bouteille a été massacrée par ce rustre, a fait disparaître toute faiblesse. Elle a repéré son sac posé sur un petit bureau adossé au mur près de la porte de la chambre.

— Ça me plaît. Vous avez des ancêtres italiens ? Ça expliquerait votre prénom, mais pas la plastique. Aussi rousse... quelques racines irlandaises peut-être ? Le mélange expliquerait le caractère explosif.

Allegra le fusille du regard

— Vous avez encore fouillé mon sac ! hurle-t-elle en l'ouvrant.

— Le fait que vous le sachiez en jetant un simple regard me laisse perplexe. Comment faites-vous pour savoir que le bordel dedans n'est pas celui que vous y avez laissé ?

— Mon sac n'est pas en bordel ! Pourquoi avez-vous encore fouillé ?

— Parce qu'hier, dans un mouvement de rage, vous avez arraché votre collier pour le perdre dedans. Il fallait bien que je le retrouve. Ce que j'ai fait. Je n'ai aucun mérite. C'est un peu ma spécialité.

— Fouiller dans les sacs ?

— Trouver des choses.

Elle fulmine et farfouille dans la besace.

— Où est mon téléphone ?

— Confisqué.

— Je vous maudis sur dix générations.

— Il est peu probable qu'il y ait dix générations de Fox après moi, Mlle Muller, dit-il en lui tendant une petite bouteille d'eau. Vous devriez vous hydrater. Quand vous serez prête, rejoignez-moi dans le salon. Nous avons à parler.


Les tribulations d'Allegra MullerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant