27/ Fac à face perdu

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La salle de bain est à l'image de la chambre. Sobre. Minimaliste. Elle prend une douche en espérant ne pas mouiller le bandage de son bras. Ce qui se révèle impossible. Elle peste, jure, finit par laisser tomber. Manifestement la blessure n'est pas si importante puisqu'il ne l'a pas abandonnée à la porte des urgences. Ou alors...

Une fois sortie de la douche, les cheveux gouttant sur le carrelage, elle soulève les bords du bandage et défaille. Elle se rattrape de justesse au lavabo. Elle a vu des fils ! Il lui a fait des points de suture ! Il lui a fait des points de suture dans son appart ! Et il a massacré sa veste Dolce ! Et il a réussi à trouver quelque chose dans sa besace ! Même elle a du mal parfois !

Elle est tombée sur un psychopathe ! Et Sally qui pensait qu'elle pourrait peut-être avoir une aventure légère et sans conséquence avec ce type ! Porca miseria ! Elle aura de la chance si elle sort de cet appart en un seul morceau !

C'est à ce moment-là qu'elle voit la petite culotte qui est posée sur la pile de vêtements qui attend sur le bord du lavabo. Un truc rouge sang transparent et filiforme... C'est quoi ça !


Besace jaune à l'épaule, Allegra sort de la chambre, pieds nus et furieuse. Elle a réussi à dompter ses cheveux en chignon humide qui goutte un peu sur le tee-shirt noir logotypé d'une marque d'ordinateur qu'il a laissé pour elle afin de remplacer le chemisier découpé. Heureusement, son jean n'a pas trop souffert de l'affreuse journée d'hier. Elle n'ose imaginer ce qu'il lui aurait fourni pour le remplacer.

— Vous m'avez recousue !!! Je veux aller à l'hôpital tout de suite ! Je suis probablement infectée par un virus mortel maintenant ! Où sont mes chaussures ?

— Asseyez-vous. Vous n'avez qu'une éraflure. La balle n'a pas traversé le bras. Enfin pas réellement... Je vais refaire votre pansement.

— Pas question ! Vous ne m'avez pas entendue ?!

— Je vous ai très bien entendue. Je ne vous écoute pas, nuance.

— Vous ne m'écout.... Je vais...

— Me tuer ! Oui, je sais. Assis ! Il n'y en a pas pour longtemps.

Allegra grimace et s'assoit sur le tabouret qu'il lui a désigné près de lui. Il sort tout le nécessaire à l'opération de désinfection d'une boite de premier secours qu'il a ouvert sur le comptoir de la cuisine. Il relève la manche de tee-shirt et ôte délicatement le premier pansement.

Pour ne pas s'évanouir, la jeune femme ne le regarde pas faire. À défaut de pouvoir observer l'extérieur, les stores des fenêtres étant fermés, elle se focalise sur la pièce dans laquelle ils se trouvent : un salon spacieux et lumineux prolongé par une cuisine ouverte avec un comptoir. Le tout est comme le reste : fonctionnel. Froid. La seule tache de couleur est sa veste Dolce & Gabbana massacrée, posée sur un accoudoir de fauteuil. Elle en pleurerait. Elle se reprend

— C'est vraiment votre appart ?

— Oui.

— Et bien, question goût... vous avez du travail !

Matthew est tellement surpris par cette réflexion qu'il ne peut pas s'empêcher d'éclater de rire.

— Quoi ?! J'ai dit un truc drôle ?

— Non. Rien.

— Pourquoi vous riez, alors ?

— C'est à dire que... Je ne voudrais pas vous mettre plus en colère que vous n'êtes déjà...

— Ça risque pas ! Je suis au max.

— On ne peut pas vraiment dire que vous ayez beaucoup de goût vous-même...

— QUOI !!!!!

— Vous voyez ! J'en étais sûr ! Vous êtes encore plus en colère ! J'aurais dû me taire ! finit-il en collant le dernier sparadrap pour tenir le bandage.

— Je n'ai pas de goût ?

— Rapport à vos vêtements...

— Quoi, mes vêtements ? Ce sont des pièces hors de prix pour la plupart et...

— Ça ne veut pas dire que c'est de bon goût... Et puis l'association des couleurs !!!

— Mais...

— La veste vert bouteille, ça va encore, mais avec un chemisier bleu ! Et ce sac jaune ! Il vous manque des chaussures rouges, et ça serait la totale !

— J'ai des chaussures rouges !

— Je sais.

— Comment ça, vous savez ? Comment vous le savez !!!

— Avant de vous aborder au café, je suis allé à votre appart pour trouver la clé. Et entre nous, c'est un vrai foutoir.

— Je le savais ! Vous avez fouillé mon appart ! s'exclame-t-elle en se levant.

— Je n'ai pas fouillé. C'était impossible, vu le bazar, mais après avoir explorer votre PC en vain, j'ai un peu cherché, oui. Jusqu'à me rendre à l'évidence.

— Évidence qui était ?

— Que je n'arriverais jamais rien à trouver là-dedans à moins de faire des recherches spéléologiques approfondies, et que quelqu'un vivant dans un tel bordel, mais manifestement assez professionnel dans son travail, oui, j'ai remarqué les dossiers classés dans le carton près de la porte, n'avait sans doute pas laissé la clé ici.


Les tribulations d'Allegra MullerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant