43/ Une évidence

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Ils sont côte à côte dans l'ascenseur qui les conduit au rez-de-chaussée de l'immeuble où se trouve le restaurant panoramique. Dieter lui a lâché le bras. Ils restent silencieux. Ils ne sont pas seuls. Un couple et un homme d'affaire partagent la cabine avec eux jusqu'au 15ème étage. Là, un groupe d'hommes en costumes et lunettes s'engouffre dans le petit espace. Ils sont nombreux. Tout le monde se pousse. Dieter et Allegra se retrouvent l'un contre l'autre. Leurs bras se touchent.

La jeune femme sent la tension qui anime le jeune homme. Elle devine sa colère. Sous-jacente, prête à éclater. Un bref instant, elle se demande pourquoi il est si en colère contre elle ? Pourquoi il s'acharne à la sauver alors qu'il prétend ne pas réellement se préoccuper d'elle ? Se pourrait-il qu'il y ait une autre raison ? Une raison plus personnelle à son attitude envers elle ?

Allegra soupire. La confusion règne. Elle aurait besoin de se poser. De réfléchir. Elle aurait besoin d'appeler Sally, d'écouter ses conseils, même les plus farfelus. Elle, si positive d'ordinaire, sent une lame de fond la submerger.

Sans le regarder, Allegra prend le poing crispé de Matthew dans sa main. Elle le force à se détendre. Elle mêle ses doigts aux siens. Elle ne fait pas ça avec une intention précise. Elle veut juste qu'il comprenne qu'elle ne lui en veut pas. Elle veut aussi qu'il cesse de lui en vouloir. Elle ne veut pas se battre avec lui. Elle veut la paix.


L'ascenseur se vide peu à peu. Ils finissent par être seuls pendant la descente des derniers étages. Ils ne se regardent toujours pas, mais leurs mains ne se séparent pas.


Les portes en acier s'ouvrent sur le hall. Carrelage rutilant. Murs bleu nuit pourvus de miroir. Dieter ne lâche pas Allegra lorsqu'il traverse l'espace animé. Il ne la lâche pas non plus, une fois dans le taxi. Il ne la lâche pas lorsqu'il entre dans l'immeuble où ils logent. Il ne la lâche pas quand ils prennent l'ascenseur. Il ne la lâche pas quand il la fixe en silence un long moment. Il ne la lâche toujours pas quand son corps se penche sur le sien et qu'il l'embrasse.

Allegra se serre contre lui. Elle a enfoui son visage dans les plis de sa veste. Sa main libre s'est posée dans son dos. L'autre est toujours prisonnière de sa main à lui. Elle sent son visage dans ses cheveux. Elle sent la pression de son autre main sur sa nuque. Elle l'entend respirer profondément comme s'il voulait s'imprégner de son odeur. Elle aime cette sensation, s'y abandonne.

Et puis, le téléphone du jeune homme sonne, et la bulle éclate. Il se détache d'elle, lâche enfin sa main pour répondre. L'échange est bref. Il paraît de plus en plus contrarié à mesure qu'il écoute son interlocuteur. Il raccroche et frappe la paroi de l'ascenseur dont les portes viennent de s'ouvrir sur leur couloir. Allegra devine qu'ils ne passeront pas la soirée à s'aimer, ni même à discuter.

— Il faut partir au plus vite...

— Qu'est-ce qui se passe, Matthew ?

— Quelqu'un te cherche.

— Mais...

— Racoon n'est pas contente. Min-Ho semble avoir été plus qu'une connaissance. Elle en fait une affaire personnelle.

Allegra pense à sa presque nuit d'amour avec le coréen. À la robe tachée. Au regard haineux de Zang Hong-Chi. Certains tueurs sont rancuniers.

— Shimada et Smith peuvent sans doute nous aider.

— Plus maintenant. Plus maintenant que je suis venu te chercher. Je suis désolé.

— Ne le sois pas. Moi, je ne le suis pas, dit Allegra en embrassant Matthew avec tendresse.


Les tribulations d'Allegra MullerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant