34/ L'âme d'un sauveur

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Lorsqu'il rentre, l'appartement est étrangement calme. Et rien ne traîne nulle part. Un doute affreux s'insinue. Il se précipite dans la chambre... où il trouve Allegra près d'un tas de vêtements empilés, pianotant sur son téléphone. Son vrai téléphone. Pas celui qu'il lui a fourni.

— C'est pas vrai ?! Comment l'avez-vous trouvé ? hurle-t-il en lui arrachant le téléphone pour l'éteindre.

— Moi aussi je sais chercher, et vous êtes si prévisible quand il s'agit de cacher quelque chose ! Le bocal de riz, sérieusement ?

— Bon sang, je vous ai dit qu'ils vous localiseraient si vous vous en serviez...

— C'est pourquoi je ne m'en suis pas servi.

— Mais vous... commence Matthew en fixant l'écran sur lequel s'affiche des photos.

— J'avais besoin de récupérer certains numéros que je ne connais pas par cœur. Et je m'occupais en triant mes photos. Je me suis retenue d'envoyer un message à Sally. Alors maintenant, arrêtez de brailler et rendez-moi ce téléphone ! dit-elle en tendant la main vers lui.

Contrarié. Non, bien plus que contrarié, Matthew souffle furieusement, avant de fracasser le téléphone contre le bureau en l'y frappant à plusieurs reprises, devant le regard interloqué d'Allegra.

— Mais vous êtes un grand malade ! s'exclame la jeune femme en se précipitant sur lui.

Elle tente de lui prendre l'objet détruit des mains, mais il le tient au-dessus de sa tête, bien trop haut pour qu'elle l'atteigne. Elle s'accroche à lui, saute à plusieurs reprises, finit par le faire trébucher. Il tombe en arrière en l'entraînant dans sa chute. Le téléphone vole et finit de s'éclater contre un mur, tandis qu'Allegra se retrouve allongée sur Matthew qui la tient par réflexe.

La situation est gênante. Elle se tortille pour lui échapper, il la serre plus fort en la fixant d'une manière qu'elle n'arrive pas à définir.

— Vous allez me lâcher, espèce de... de...

— J'attends la suite pour savoir ce que je fais de vous, dit-il alors avec un demi sourire.

Ah, il veut jouer ?! Très bien. Elle le fixe aussi intensément que lui et cesse de bouger.

— Quelles sont les options ? dit-elle alors avec un grand sourire en croisant ses mains sous son menton et en appuyant ses coudes sur son torse.

Elle est à califourchon sur lui maintenant. Il rosit jusqu'aux oreilles et la déplace brutalement pour se relever.

— Vous n'êtes pas croyable comme nana !

— Parce que vous n'arrivez pas à m'entourlouper ?

Il ne répond rien et grogne en sortant de la chambre. Allegra sourit. Un point pour elle.

— Hé l'agent secret !? J'ai besoin d'envoyer un message à Sally. Elle va s'inquiéter sinon, et ça risque de provoquer plus de problèmes qu'autre chose. Je la connais, elle est capable d'appeler l'ambassade et la garde nationale si elle s'inquiète. Je me demande même pourquoi elle ne l'a pas déjà fait ?

— Parce que je lui ai envoyé un message pour la rassurer sur votre situation.

— Vous avez fait quoi ?

— J'ai envoyé...

— Ça j'ai compris. Vous voulez dire que le message était de vous ou que vous vous êtes fait passer pour moi ?

— Seconde option

— Je vais vous...

— Je sais.

— Et qu'avez-vous dit ?

— Que vous étiez folle amoureuse de moi parce que j'étais irrésistible et charmant. Ce que je suis par ailleurs. Et que vous alliez passer quelques jours en mer, donc hors connexion.

Allegra ne répond rien. Elle fulmine. Cette infâme trahison va se payer cher. Elle claque la porte avec violence.


Dieter est en train de préparer la mission de surveillance du lendemain. Il a déjà achevé la partie repérage. À présent, il étudie soigneusement les différentes options de fuite. Il sait par expérience que Shimada, et ceux pour qui il travaille, ne le lâcheront pas s'ils ont l'opportunité de l'attraper.

Il est sur le fil.

Ari lui a demandé de tout laisser tomber et de se tirer au plus tôt. Maintenant qu'ils savent que le fichier n'est qu'une porte pour permettre l'intrusion des autorités dans un réseau ennemi, ils ne peuvent plus rien en tirer. Finalement, sauver et protéger Allegra Muller a été bénéfique. Cela leur a évité de se faire prendre. Dieter n'avait jamais été aussi proche de sa fin.

La question qu'il élude s'attache à sa véritable fonction dans la mascarade en cours. Lorsque la française lui avait expliqué ce qu'elle avait accepté de faire pour Smith, il avait failli la secouer comme un prunier en hurlant qu'elle était la fille la plus stupide qu'il ait jamais eu la malchance de rencontrer. Heureusement pour elle, elle avait choisi un lieu public et particulièrement fréquenté pour le lui dire.

Dieter a eu le temps de se calmer avant de rentrer à l'appartement – en prenant garde de ne pas être suivi – pour discuter avec elle de la suite.

Qu'importe le degré d'irritabilité qu'Allegra Muller fait naître chez lui, il a fini par admettre qu'il ne l'abandonnera pas. Purement et simplement. Il ne peut pas s'empêcher de la protéger du danger qui rôde. La sauver des autres et d'elle-même est plus fort que lui.


Les tribulations d'Allegra MullerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant