33/ Mon royaume pour une penderie

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Allegra déballe ses achats fièrement et les pose sur le dossier du canapé gris de l'appartement de Fox.

— Mettez ça dans la chambre ! Ça va me rendre aveugle, lance-t-il en attrapant rageusement une bière dans le frigo.

La jeune femme sourit et ne se préoccupe pas de ce qu'il dit. Basse vengeance. Après la robe, elle sort l'étole en taffetas moiré. Elle va être stupéfiante. Avec un chignon tressé et du maquillage...

— Vous avez réussi à récupérer mes affaires ? demande-t-elle distraitement.

— Pas sans mal. Comment avez-vous pu vivre dans un bordel pareil ! Pour votre gouverne, j'ai tout mis en vrac dans des sacs poubelles. Ils sont là-bas.

— Quoi ?! Mais... mes valises ? hurle-t-elle en se précipitant vers les trois sacs informes posés contre l'un des murs du salon.

— Je les ai laissées. Je vous ai dit que votre ancien immeuble était surveillé. Si j'étais sorti avec vos valises, j'aurais eu nos amis au cul. Or, si j'ai bien compris, votre nouveau patron connaît mon existence et a probablement une idée assez précise d'où nous sommes... c'est déjà beaucoup trop.

— Il a dit aussi qu'il maintenait une trêve avec vous, le temps de cette mission, dit-elle en commençant à sortir ses affaires et à les éparpiller partout.

— Ouais ! Mais j'y crois moyen, alors je reste sur mes gardes, répond-t-il en s'approchant, désemparé de voir son appartement transformé en patchwork multicolore.

— Hum... Je vais ranger ça dans la salle de bain, dit Allegra en prenant son énorme trousse de toilette déformée par la multitude de trucs qu'elle y a fourré.

— Ranger. Ranger ? Ah ! Ah ! Ah ! Vous savez que ce mot existe ? En connaissez-vous la signification ? Parce que vous me faites peur à manipuler des mots inconnus comme ça ! Et quand je vois ce que vous avez fait à mon salon en l'espace de quelques instants...

— Ha ! Ha ! Très drôle, vraiment ! Vivement que je me trouve un autre appart...

— Il vaudrait mieux rester ici jusqu'à votre départ pour la Nouvelle-Zélande.

— C'est une plaisanterie ?! Je ne tiendrai pas si longtemps sans vous étriper...

— Très mature comme réflexion. Une femme de votre âge devrait pouvoir faire des concessions pour arriver à survivre.

— Une femme de mon âge ! Non, mais à vous entendre, j'ai plus de soixante ans ! Mais qu'importe ! La maturité n'a rien à voir avec l'âge de toute façon. Et en l'occurrence, je suis très mature, mais vous, vous êtes barbant !

— Barbant ? répète le jeune homme incrédule.

On lui a souvent attribué un certain nombre de qualificatifs, mais absolument jamais celui-là. Ce que son choix de vie implique est à l'opposé du barbant.

— Vous voulez dire, organisé...

— Non. Barbant. Moi aussi, je suis organisée. Mais je ne crois pas être barbante.

— Vous, organisée ! Alors là, laissez-moi rire ! Sans parler de votre appart, le pire cauchemar de quelqu'un de vraiment organisé, vous n'êtes pas fichue de trier vos affaires sans les semer aux quatre vents, lance-t-il en attrapant un chemisier et une veste posés sur le fauteuil.

— Laissez mes fringues tranquilles ! Vous allez les abîmer ! Il me faut des cintres et une penderie ! C'est tout !

— Une penderie ? Je vous signale que la moitié de ce qui se trouve dans ces sacs, gisaient en des endroits divers de votre ancien appartement et non pas dans la penderie !

Dieter et Allegra se fixe avec colère.

— Et c'est vous qui voulez que je reste ici ?!

Dieter abdique. Il lève les bras en signe de résignation, attrape sa veste et sort en claquant la porte.


Les tribulations d'Allegra MullerWhere stories live. Discover now