72/ Ça sent le roussi

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Ils ont mis le paquet. Ari trouve au moins un micro par pièce en plus de celui sur le collier du chien. Et une petite caméra qui filmait la pièce principale.

Le néo-zélandais ne trouve pas non plus très logique un tel gaspillage de matériel. Smith aurait pu avoir Allegra à l'œil sans avoir à appliquer une surveillance aussi poussée. À moins qu'il ne soupçonne quelque chose au sujet de Dieter.

En fait, c'est la seule raison qui expliquerait un tel déploiement de moyens autour de la jeune femme. Et si c'est effectivement le cas, Ari doit se dépêcher d'avertir Shade. Parce que maintenant que Smith a été découvert, il va sans doute accélérer certaines choses pour attraper celui qu'il convoite en réalité : Dieter Wolf.



Le soleil joue avec la pente de la colline et scintille sur les feuilles humides. Allegra songe qu'elle va sans doute devoir mettre des barrières pour protéger sa solitude lorsque les cohortes de touristes rappliqueront. Elle n'aime pas les barrières, ni les clôtures, en général. À part celles de l'enclos de ses bêtes, bien sûr. Mais, bon, elle n'aura pas vraiment le choix, si elle veut continuer à vivre en paix ici.

Elle s'étonne d'y songer encore. Avant la venue de Sally, elle se motivait pour rejoindre la civilisation. À présent, elle hésite. L'histoire de Sally l'a fait réfléchir. Elle ne veut pas que les gens qu'elle côtoie souffre par sa faute. Et dans une ville, il y aurait, sans nul doute, plus de dommages collatéraux.

Elle regarde Sally debout face au panorama qu'offre une trouée dans la végétation. Hunta est assis près d'elle. Il veille sur elle comme il fait avec les moutons. Il est attentif aux signes.

Le chien tourne brusquement la tête, oreilles aux aguets et grondement ténu de gorge.

— Du calme, Hunta, dit doucement Allegra en s'approchant de lui.

Elle se dépêche d'attacher sa laisse. « On ne sait jamais », pense-t-elle. Il ne faudrait pas que son chien attaque un promeneur. Même s'il a été dressé, il arrive parfois que les animaux pètent une durite aussi.

Ce qui inquiète la jeune femme, c'est le grondement sourd qui s'échappe de sa gorge. Son chien ne gronde que très rarement. Et uniquement lorsqu'il sent une présence étrangère hostile.

Sally et Allegra échangent un regard surpris. Le sentier à leur droite est calme. Pas un bruit sauf le chuchotement du vent qui se mêle aux pépiements des oiseaux. Hunta se met pourtant à aboyer férocement. Allegra est obligée de le tenir par le collier pour qu'il ne bondisse pas comme un furieux.

Une silhouette apparaît au tournant du sentier et sursaute en voyant la bête furieuse. Allegra arrive tant bien que mal à tranquilliser son chien en détaillant l'inconnu. Elle cherche à comprendre ce qui rend l'animal si tendu.

Sac à dos. Attirail de promeneur. Chaussures de marche. Carte en main. Carte papier. Dépliée. Passablement froissée. Boussole. Physiquement, les traits sous le bonnet de laine sont plutôt asiatiques.

— Perdu ? demande-t-elle en en anglais.

— Certain, dit l'inconnu en souriant malgré son hésitation face au chien.

— Ne vous inquiétez pas, il n'est pas dangereux. Il a eu peur de quelque chose. Mais maintenant ça va, commence-t-elle avant de s'adresser à son chien en le flattant entre les oreilles. N'est-ce pas Hunta ? Tout va bien ?! Tu vois ? C'est un promeneur. Pas le grand méchant loup ! Et certainement pas un voleur de mouton...

— Voleur de mouton ? Sûr que non. Je serai bien incapable d'en faire quoique ce soit. D'autant que ces bestioles sont plus têtues qu'un âne !

Allegra sent que Hunta ne se détend pas, qu'il accepte de ne plus gronder pour faire plaisir à sa maîtresse. Ça ne l'empêche pas de demeurer aux aguets.


Les tribulations d'Allegra MullerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant