54/ Le principe de suspension de réalité

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Alors que la voiture peine à s'extraire des embouteillages d'Auckland, le colosse, qui se nomme Ari Walker, demeure très calme. À l'opposé d'Allegra qui n'a, jusqu'à présent, obtenu aucune réponse de lui. Elle ne sait donc, ni où ils vont, ni combien de temps cela va prendre. Elle fulmine en pianotant sur le rabat de son sac.

Et elle ne rappellera pas Fox comme l'y incite Ari à chacune de ses questions. Elle ne souffrira pas du syndrome de Stockholm. Parce qu'il est évident qu'elle est prisonnière. Pire ! Elle est le bout de viande qui va attirer les piranhas ! Elle est un appât ! C'est la raison qui pousse Fox à l'empêcher de se rendre à l'ambassade. Parce que si elle fait ça, elle court-circuite ses plans ! Il se sert d'elle pour attraper Racoon...

Quand bien même Fox justifierait ses actes par la nécessité de la protéger, elle n'accepte pas ses manières de propriétaire ! Ils n'ont échangé qu'un baiser ! Et même pas un extraordinaire, d'ailleurs se ment-elle à elle-même.

Désormais, Allegra est convaincue que sa seule option est de fausser compagnie à Ari, le plus rapidement possible. Rester avec lui, c'est prendre le risque de tomber de nouveau sur un tueur. Il faut qu'elle aille à Wellington ! Elle sera en sécurité là-bas.

La suite va lui donner tort.


Le téléphone sonne au moment où Ari sort enfin des artères les plus denses de la ville pour s'engager sur un réseau routier moins chargé. Les habitations s'espacent de plus en plus jusqu'à n'être que des îlots de civilisation dans l'envahissante végétation qui borde la route. Parfois un croisement, un pôle commercial.

— Vous êtes calmée.

— Humpf

— Je vais prendre votre grognement de femme des cavernes pour un oui. Bon. Ari, qui est votre nouveau meilleur ami, vous conduit à un aérodrome privé. Direction Hawaï. Et pas d'entourloupes et de surprises, cette fois.

— Pas question ! s'exclame Allegra.

— Écoutez, commence Dieter d'une voix excédée. J'essaye de vous sortir du pétrin, si...

— Mais oui, bien sûr ! Je suis la misérable petite brebis égarée que vous allez mettre à l'abri ! Mon cul ! Je suis un appât que vous baladez au bout d'une ligne pour pêcher une tueuse qui, entre nous, a l'air d'être plus efficace que vous. Je devrais peut-être passer un marché avec elle pour vous attraper vous ?

— Scheisse ! Vous êtes impossible ! C'est vrai ! Je l'ai loupée de peu au Japon, et ma meilleure chance de l'avoir est en effet de me servir de vous comme appât ! Mais si vous aviez suivi les instructions que je vous avais données, vous ne vous seriez aperçue de rien ! Elle n'aurait pas eu le temps de vous atteindre à Tahiti !

— Mais oui, c'est vrai, c'est encore de ma faute ! lance-t-elle en lui raccrochant au nez très fière d'elle.

Allegra remarque immédiatement les coups d'œil d'Ari qui sourit à moitié.

— Ça vous amuse ?

— Je n'ai encore jamais vu quelqu'un tenir tête à Shade comme vous le faites.

— Ah ! Je suppose que d'habitude il est assez expéditif avec ses contradicteurs... Le fait qu'il ait les moyens de tuer et aucune conscience morale, sont de vrais problèmes. C'est pour cette raison qu'il se montre autoritaire, arrogant et presque suffisant.

— Et vous prenez plaisir à rétablir l'équilibre ?

— C'est ça. Je lui montre que le monde n'est pas à sa botte, dit-elle en offrant un grand sourire à Ari.

— En mettant votre vie en jeu ?

— Ma vie n'est plus menacée. Pas ici. Pas maint... Porca miseria ! hurle-t-elle en s'accrochant à ce qu'elle peut.


Les tribulations d'Allegra MullerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant