68/ La meilleure amie

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Sally et Allegra sont enlacées depuis cinq bonnes minutes au milieu du hall d'arrivée de l'aéroport. Ari qui a proposé de loger les deux jeunes femmes le temps de leur séjour à Wellington, patiente en silence. Il n'avait jamais vu Sally en vrai. Juste en photo. Il la pensait plus grande.

En fait, elle est toute petite. 1m60 à tout casser. Blonde. Le cheveu raide court et ébouriffé. Des yeux noisette et une bouche à croquer la lune. Pas du tout mignonne petite poupée. Plutôt hyperactive prête à casser la baraque. Bon pour le moment, elle a le visage enfoui dans le cou de sa meilleure amie et elle pleure à chaudes larmes. L'amitié féminine, et certains de ses débordements, échappent totalement à Ari.

Ça n'est que lorsqu'elle se détache d'Allegra qu'il voit un point commun aux deux jeunes femmes : la couleur ! Sally porte une veste imperméable rouge pompier sur une salopette en jean extra large avec un sweat vert pomme et des chaussettes rayées rouge et blanche. Ses baskets blanches font presque tache. Allegra porte sobrement un pull jaune soleil sur un pantalon cigarette bleu roi avec des ballerines jaune. Égale à elle-même. Enfin à l'ancienne Allegra. Ari ne l'avait pas vue avec ce genre de vêtements depuis son installation à Parosibeach.

Il se demande si c'est la venue de Sally Fisher ou la préparation du festival qui est à l'origine de ce retour de la pétulante Allegra ? Probablement les deux. A-t-elle compris qu'il ne lui servait à rien de se cacher ? Où qu'elle vive, elle sera libre.

Ça risque juste de leur compliquer les choses, à lui et Shade, pour garder un œil sur elle. Parce que si l'ancienne Allegra revient, il est probable qu'il y aura des voyages et des aventures à la clé.


— Ce George ! Je te jure ! Impayable ! finit Sally après avoir raconté une mésaventure le concernant.

C'est qu'il voit de drôles de clients avec son métier de réparateur informatique. Des excentriques et des pathétiques. Des résignés et des combattants. Des tristes sires et des gais lurons.

— Et la fille ? Elle devait être rouge de honte, non ?

— Tu parles ! Il m'a dit qu'elle était sortie telle une reine en s'essuyant délicatement la bouche.

Allegra rigole avant de finir son verre. Ça faisait longtemps qu'elle ne s'était pas sentie aussi bien. Satisfaite, elle jette un œil derrière elle. Le bar de Ari est plein comme un œuf. Le barman et le serveur sont archi-occupés. Néanmoins, ils trouvent toujours le temps de roder autour des deux jeunes femmes. Difficile de ne pas remarquer ces deux beaux brins de filles. Et ce d'autant moins que c'est le patron qui les a ramenées. Ils sont curieux, c'est normal.

— Je vous remets la même chose, demande Patrick le barman, voyant que leurs verres sont vides.

Ari a été très clair sur le fait qu'elles boiraient autant qu'elles voudraient et ce qu'elles voudraient. Que c'était pour lui. Alors, Patrick ne fait qu'obéir.

— C'est gentil. Mais moi, je passe au soda, dit Allegra.

— Pardon ? Qui que tu sois, sort de ce corps ! Rends-moi ma copine l'ivrogne, capable d'avaler n'importe quel alcool en quantité astronomique et survivre sans broncher ! s'esclaffe Sally en attrapent le col d'Allegra qui rigole.

La jeune femme explique que six mois de relative abstinence a un peu émoussé ses capacités de super héroïne. Sally bougonne et prend aussi un soda. Pas question de ressentir l'ivresse seule. Elle est venue pour partager, nom de nom ! Elle coule un regard en douce à son amie.

Sally connaît bien Allegra. Elle a été là pour chacun de ses chagrins d'amour. Elle a bien compris que la disparition de ce Dieter a ébranlé plus que de raison son amie. D'abord, parce qu'il dure. Et ce, malgré la présence d'autres mâles réceptifs. Et puis, il y a ce rien de tristesse dans son regard. Un sentiment qui flotte autour d'elle comme une brise légère et froide qui dit « je ne suis pas disponible. Passe ton chemin ».

Allegra a beau parler de ce Rob qui la culbute de temps à autre. Sally sait que ni le cœur, ni l'envie n'y sont vraiment. La jeune femme se laisse porter. Elle se laisse faire. Ce qui fait penser à Sally que ce Rob n'est pas loin d'être un profiteur. Un de plus. Un type qui a flairé la détresse d'Allegra, et que cette indifférence arrange. Il peut tirer son coup peinard comme ça.

Lui, Sally va le rayer de la carte. Quand elle repartira, il lui sera impossible de remettre les pieds chez son amie.

— Tu as prévu quoi pour demain ?

— Tu vas dormir parce que le décal...

— Allegra ? Allegra ! Qu'est-ce que tu as ?

Sally a posé sa main sur l'épaule de son amie soudain devenue muette.

— C'est impossible ! murmure Allegra en se retournant vers la salle.

La jeune femme scrute les clients. Elle cherche quelque chose, ou plus exactement, quelqu'un.


Les tribulations d'Allegra MullerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant