Chapitre 2 - Blanche

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🎶Mount Everest, Labrinth🎶

Je me détaille dans le miroir.

Mes cheveux parfaitement lisses tombent dans mon dos. Ma peau pâle ainsi que mes yeux bleus forment un contraste avec ma chevelure ébène. Mon corps élancé est vêtu d'une robe qui marque ma taille et s'arrête bien au-dessus de mes genoux. Je sublime le tout avec une paire de talons.

Je me trouve belle. Je n'ai pas le choix, de toute façon.

J'attrape mon sac à main et un long manteau assorti à ma robe avant de descendre les escaliers.

Mon frère est assis sur l'ilot central de la cuisine, concentré sur son écran d'ordinateur. En face de lui, je mange une pomme le plus soigneusement possible pour éviter d'enlever mon rouge à lèvre, sans pouvoir m'empêcher de le détailler des yeux. Il est encore tôt, mais il porte déjà un polo bleu marine et un pantalon à pinces. Ses cheveux sont plaqués par du gel, et son visage pâle est parsemé de légères tâches de rousseurs.

Gaspard est de nature gaie. Avenant, il n'a jamais eu de mal à se faire un groupe d'amis. Comparé à moi qui suis renfermée au premier abord.

—   Arrête de me regarder comme ça, tu me déconcentres.

Je détourne les yeux, gênée.

Gaspard est en deuxième année de licence d'économie et de gestion. Avant, nous étions très proches, lui et moi. Nos goûts différents n'étaient pas un problème, au contraire, nous nous complétions. Maintenant, j'ai le sentiment d'être une étrangère dans notre famille. Je n'y ai plus ma place. Je ne devrais pas m'en plaindre. Tout est ma faute. Pourtant, ça fait mal. Lorsque je croise le regard fuyant de celui que je prenais comme exemple, j'ai mal. Lorsque mon père ne répond ni à mes appels, ni à mes messages, j'ai mal. Lorsque j'entends ma mère pleurer le soir, j'ai mal.

—   J'y vais, finis-je par dire.

Après avoir déposé ma valise dans le coffre, je rejoins ma mère dans la voiture. Ses cheveux courts sont artificiellement bouclés en une masse autour de son visage. Et sa robe au décolleté carré laisse entrevoir sa fémininité. En admirant son visage, je me vois en elle. Nous avons le même nez long, la même bouche fine, la même mâchoire anguleuse et les mêmes yeux d'un bleu clair mais intense. Cependant, en constatant ses cernes creuses et son teint terne, j'éprouve un sentiment de culpabilité.

—   Comment tu te sens ? me demande-t-elle en démarrant.

Je n'ai que dix-sept ans. Ma vie commence à peine et pourtant, je suis déjà épuisée de cette vie qui me rejette sans cesse.

—   Je pense que ça va. Ça ira, en tout cas, souris-je.

Je ne sais pas exactement qui j'essaye de rassurer entre elle et moi, mais ça n'a pas l'air de fonctionner.

—   Pour aller mieux dans ce nouveau lycée, tu dois mettre le passé de côté et aller de l'avant, Blanche.

J'entends ce qu'elle me le dit. Je le conçois amplement. Néanmoins, tout est si récent... Un été ne suffit pas à oublier. Rien ne me fera oublier ce que ma mémoire s'entête à me répéter.

—   J'espère que ta colocataire sera sympa.

Ça, c'est ma mère et sa tendance à trop parler dans des moments angoissants.

Ce nouveau lycée étant loin de notre maison, je vais devoir dormir à l'internat. J'aurais bien voulu une chambre seule mais l'établissement n'en propose pas.

—   Ce serait mieux, oui.

Je n'ai jamais cru au fait qu'un nouveau lycée équivaut à une nouvelle vie. Contrairement à ma mère, je ne suis pas optimiste. Je me contente de survivre en sachant que mes tentatives de renouveau échoueront inévitablement. Car, je possède toujours le même bagage sur le dos. Et surtout, je suis forcée de vivre avec la malédiction d'être moi.

AVOIR MAL #1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant