AVOIR MAL #1

Chapitre 14 - Blanche

🎶The Devil You Know, X Ambassadors🎶

A la cantine, je m'installe avec le groupe de potes habituel. Presque un mois que je suis ici et je ne parviens toujours pas à les considérer comme mes amis. Mon ancien lycée m'a réellement traumatisé. Depuis, créer des liens avec des personnes de mon âge m'est quasiment impossible. C'était plutôt bien parti avec Naya mais cette idiote a préféré conserver son orgueil plutôt que de m'écouter. J'aurais sûrement agi similairement, et c'est bien pour ça que ça ne marchera jamais entre nous ; que ce soit amical ou non.

—   La bouffe promet d'être dégueulasse, s'accable Naya en posant son sac sur la chaise d'à côté.

Avant qu'elle ne s'assoie j'ai tout le loisir de l'admirer quelques brèves secondes. Sa robe près du corps dévoile ses jambes couvertes d'un collant noir. Elle a accessoirisé sa tenue avec des bijoux en or. Je remarque qu'elle porte toujours la bague que je lui ai offerte. Ça n'a peut-être aucune signification pour elle, mais ce geste me rassure. Je ne l'ai pas définitivement perdue.

—   Naya ?

Jeremy tente d'attirer son attention mais elle reste focalisée sur quelque chose ou quelqu'un derrière moi. Discrètement, je sors un miroir de poche, prétextant m'admirer pour découvrir Esdras, quelques mètres plus loin, la tête tournée vers notre table. Il porte son plateau debout. Ses yeux s'implantent dans ceux de Naya, joueurs. La brune hausse un sourcil avant d'être réceptive à Jeremy.

Peut-être que si, finalement. Peut-être que je l'ai perdue.

Définitivement.

Je ne fais rien pour capter son attention, discutant avec Carla qui incruste Judith dans la conversation. Généralement, elle mange avec Iris mais la rousse a préféré rester auprès d'Adam. Si elle savait que nous nous sommes embrassés... Elle fermerait les yeux, n'ayant aucun amour-propre pour elle-même.

—   Je vais y aller, dit soudainement Naya. J'ai un exposé à rendre à cause d'une absence.

Je perçois des tremblements au niveau de ses doigts. Elle essaie de les cacher en se crispant contre les bords du plateau.

—   Attends-moi, dis-je en me levant. Le prof m'avait demandé de te passer quelques cours pour t'aider. Je t'accompagne.

Par hasard, je croise le regard perplexe d'Arthur tandis que Valentin nous souhaite un bon courage sans chercher plus loin.

—   Tu ne vas jamais me lâcher, en fait, émet-elle quand nous déposons nos plateaux, plus loin.

—   Ça dépend. Tu comptes me dire ce qu'il se passe entre Esdras et toi ?

Je sais que je ne suis pas parano quand sa mâchoire se crispe.

—   Pas ici.

Nous atterrissons finalement dans un toilette individuel au troisième étage. Face à ma mine décomposée, elle soupire en jetant son sac sur le sol.

—   Il fait trop froid pour rester dehors. Et je ne veux pas croiser ma mère dans les couloirs, je me prends assez de leçons de moral à la maison.

Prise d'empathie, j'abdique en m'asseyant sur le carrelage glacé. Assister à ses séances où elle se gave d'alcool me rend triste et enragée. Comment ses amis peuvent-ils fermer les yeux sur son comportement ? Malgré notre conflictualité, je n'ai qu'une envie, le prendre dans mes bras en lui assurant que tout ira bien. Néanmoins, j'ai une énigme à résoudre, et elle ne laisse pas place aux sentiments.

—   Tu comptes me dire ce qu'il y a entre toi et Esdras ?

—   Ça dépend, répond-elle, joueuse. Tu comptes me raconter ce qu'il y a entre toi et Adam ?