Chapitre un : Maya

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Trois coups de feu retentissent.

    Trois coups de feu pour trois coups de bâton, de cloche, de brigadier. La représentation peut commencer. Shakespeare peut crever. Roméo et Juliette c'est fini. L'auteur est mort. Roméo est mort. Tout le monde applaudit et on tire le rideau. Adio. Basta. Casse-toi.

    Trois coups de feu. Allez on enchaîne, on n'arrête pas. Le cœur et les deux yeux. Pas de dispute, on partage. Deux yeux, deux balles. Un cerveau, une balle. Un cœur, une balle. Deux mains, deux balles. On vide le chargeur et on recommence.

    Je l'imagine en face de moi. Ah ! Shakespeare, tu es mort et plutôt deux fois qu'une. Je tends mon arme à bout de bras. Je me place correctement sur la ligne de mire. Je vise la tête. J'oriente le canon. Mon index sur la gâchette. C'est fini. Shakespeare est mort. Lui et sa tête de con. Je l'imagine à la place de l'affiche. Le visage ovale, le crâne dégarni mais les cheveux longs sur le côté. On pourrait presque croire à une auréole. Tu n'es pas un ange, tu n'es qu'une araignée que j'écrase avec ma pantoufle de vair. Adieu Juliette, bonjour les princesses. Tu peux te retourner dans ta tombe. Roméo aussi a dû se retourner avec Juliette. Je vous ai à l'œil, pas de mini squelette !

    Le mythe de l'amour absolu. Tiens, prends quelques balles. Elles ne sont pas perdues mais bien destinées. L'amour ça rend faible. Tout le monde sait ça. C'est beau, léger, parfait mais c'est comme la grippe. Au début, ce n'est qu'un mal de gorge et vous finissez au fond du lit sans pouvoir marcher.

    Une balle. Deux balles. Trois balles. C'est tout ce que tu mérites. Toi et tes espoirs. Ah oui, pour me bercer d'illusions, il n'y avait de souci mais pour nous informer de la vérité, ça, on pouvait toujours courir. Pourquoi on ne nous apprend pas dans les manuels scolaires que l'amour blesse jusqu'à vous rendre grosse et malade ? Parce que c'est comme ça que j'ai fini. Un pot de glace et une bonne grippe. Trois jours au fond du lit à trembler comme une feuille à l'automne, entourée de mouchoirs comme un adolescent qui découvre la branlette et dans un état que même un paresseux ne voudrait pas.

    On vide le chargeur et le remplace. Roméo et Juliette. Roméo plus Juliette. Une vision exotérique de l'amour impossible. Ah oui, on peut l'enseigner, le partager, le divulguer mais l'amour impossible, lui il prend différentes formes. Plus particulièrement quand les protagonistes aiment semer des cailloux sur leur chemin. Allez, va s'y que je te trompe, que je décide du jour au lendemain que nous ne sommes plus compatible, que j'en ai marre de toi, que je te fuis. Aime-moi je te fuis. Ouais, casse-toi ! Voilà comment ça a fini. Fini.

    C'est fini. Tout est fini. Roméo et Juliette sont morts. Les familles peuvent triompher et moi je peux aller m'enterrer dans mon canapé en compagnie de Raiponce, Blanche-Neige et Cendrillon. Ah, ces petites prudes... Qu'elles sont naïves ! On n'enseigne pas la naïveté à l'école. Pourtant Roméo était bien crédule. Quand on veut quelque chose, on l'obtient. On l'arrache s'il le faut. Enfin... ça, ce n'est pas moi qui vais le crier sur les toits.

    Une balle. Le cœur. "Ô Roméo, Roméo, pourquoi es-tu Roméo ?" Ouais, et toi Juliette, tu te remets un peu en cause ? "Renie ton Père et refuse ton nom;" On passera sur le fait qu'elle aussi elle peut renier sa famille et plus facile à dire qu'à faire. "Ou si tu ne veux pas, jure d'être mon amour,". Ah, alors-là quand c'est "Je t'aime, moi non plus" c'est plus compliqué. J'ai juré. Je suis tombée. "Et je ne serai plus une Capulet". Oui, encore une fois permet-moi de te dire que la famille de Roméo, il ne veut pas de Juliette.

    Une balle. Le cerveau. "Dois-je écouter encore, ou dois-je lui parler ?". Bonne question mon garçon. J'ai écouté. J'ai perdu. J'ai parlé. Il y avait un mur. Roméo aussi il parle au mur apparemment.

    Une balle. La bouche. "C'est seulement ton nom qui est mon ennemi." Heu... Pas vraiment dans le cas présent mais passons.

"Tu es toi-même, quand je ne serais plus un Montaigu. Qu'est-ce qu'un Montaigu ? Ce n'est ni une main, ni un pied, ni un bras, ni un visage, ni aucune autre partie du corps d'un homme. Oh ! Sois quelque autre nom !". J'aimerai bien mais malheureusement Jones c'est un nom, une famille, une nation, une organisation et un devoir. Alors oui, ce n'est aucune partie du corps mais difficile d'y échapper quand ils vous tiennent dans leur main.

[L.4] LOVE & THEATERWhere stories live. Discover now