[L.4] LOVE & THEATER

Chapitre vingt : Joanne

Je souris comme un con, son visage entre mes mains. Elle craint le pire et elle peut. Je peux respecter sa promesse si ça peut la soulager. Je peux le faire parce que je sais que si Maya veut m'échapper, elle m'échappera. Elle l'a fait pendant treize ans. Elle m'a caché sa grossesse, elle a circulé sur mon campus en m'évitant, elle est amie avec Kate, bordel !

- Je ne te chercherai pas à une condition.

Elle se mord la lèvre inférieure. Elle peut craindre le pire. Ses yeux cherchent la faille de sa promesse dans les miens. Elle ne mourra pas. Maya honorera sa promesse. Elle est comme ça. Elle ne promet pas dans le vent.

Alors, je plonge dans son regard. Je veux me noyer, une dernière fois, ensemble, juste tous les deux. J'ai envie de l'embrasser, de la serrer dans mes bras, de la rendre prisonnière pour l'éternité mais ce n'est pas la vie que je lui souhaite.

Je prends une inspiration. Elle ferme les yeux, prête à entendre la sentence tomber.

- Ma condition est simple : Reviens me voir.

- Joanne.

- Elle est non négociable. Ne meurs pas, débrouille-toi pour survivre et reviens.

Elle se dégage de mon étreinte. Maya n'est pas du genre à aimer les effusions sentimentales. Elle recule de plusieurs pas avant d'arracher la robe de son cintre.

- Je suppose que je dois mettre ce bout de tissu.

- Tu supposes bien.

Je souris comme un con. Elle tiendra sa promesse si je tiens la mienne et je compte bien m'y soumettre. Ce n'est pas moi qui vais marcher vers elle mais l'inverse. Elle vient de se faire prendre à son propre piège.

Elle passe rageusement la robe rouge. Elle est magnifique même quand elle est en colère. Face au miroir, elle relève ses cheveux en chignon à moitié travaillé. Je pourrai la regarder se préparer tous les jours mais je ne dois pas oublier qui elle est ou qui elle n'est pas. Pas besoin de se faire d'illusions. On le sait tous les deux. Je ne sais pas ce qu'elle nous réserve mais ce soir va déclencher une guerre.

- Si je ne tiens pas ma promesse ?

Je rigole. Je m'approche d'elle. Elle n'a plus d'échappatoire. Tout ça c'est fini. Je remets subtilement une mèche de ses cheveux en place tout en la regardant à travers le miroir.

- Si tu vis, tu reviendras forcément voir ta fille. Ce jour-là, je serai là, tapis dans l'ombre prêt à te récupérer. Ils sont notre faiblesse, Snezhinka et je compte bien l'utiliser.

Je la laisse se maquiller pendant que je m'habille rapidement. Je n'aime pas savoir qu'elle a les mains libres, qu'elle peut agir comme elle veut mais je veux, je dois récupérer Kate et elle seule le peut.

On est prêt. Elle sourit, regarde la pièce une dernière fois avant que je ne referme la porte derrière nous.

On descend les marches, je la laisse passer devant. Je veux l'avoir à l'œil.

- Tu connais le principe de la magie, Joanne ?

- Tout se passe sous nos yeux ?

- En quelque sorte, plus près tu es, moins tu en vois et mieux tu te fais avoir.

Donc je suis trop près d'elle pour voir. Je deviens l'aveugle aveuglé. Bordel. Elle a tout fait sous mes yeux sans que je ne me rende compte de rien. D'où sort-elle ? Qui l'a éduquée ? Son père mécanicien ? Je n'y crois pas à cette excuse bidon. Maya est beaucoup trop entraînée à subir la douleur, la pression et les situations hors norme pour être simplement la fille que j'ai croisée dans un dinner.