Chapitre six : Maya

229 20 10
                                    

Treize ans plus tôt.

- Comment tu as pris l'impulsion pour ta vrille au sol ?


Je pousse la porte des vestiaires et mes yeux se portent instantanément sur le sac noir qui pend à un pathère. Il est seul. Personne ne le touche. Ça fait deux mois qu'il est là. Il y a le logo de la Birch Wathen Lenox School dessus. La poussière commence à se voir sur le tissu sombre.

Je rejoins ma place et les autres filles partent peu à peu. Je ne me lave pas dans les vestiaires. Je n'aime pas le faire en public et je préfère prendre mon temps chez moi. Je pourrai prendre un bain. Chaud pour détendre les muscles. Froid pour diminuer l'inflation des tissus, les dommages musculaires et améliorer l'amplitude des mouvements. Je verrai bien quand je serai dans la salle de bain. Parfois, je choisis à pile ou face. Parfois, j'essaye de voir comment je me sens. Parfois je repense à ma journée.

Quand je passe mon sweat noir, tout le monde est parti. Je n'aime pas être seul dans les vestiaires. Je n'aime jamais être seule dans un endroit désertique. On se met à entendre le bruit des néons, le vent qui souffle à travers les vitres et la panique monte à une vitesse déconcertante.

Je regarde le sac. Deux mois. Je le prends et décide de le rendre à sa propriétaire. Ça fait deux mois qu'elle n'a pas mis les pieds sur un tapis alors qu'elle allait quitter le club pour les nationales. Au final, ils ont pris une fille d'un autre club car elle ne s'est jamais présentée. Il y a deux ans, elle allait se présenter, partir pour défendre le pays en gymnastique puis elle est revenue quelques fois. Elle arrivait tard et partait tôt. Quelque chose avait changé mais cette année elle s'est inscrite. Je me demande bien pourquoi. L'année dernière, elle n'a pas mis les pieds au club. Elle était faite pour la gymnastique, la meilleure d'entre nous mais elle ne prenait plus aucun plaisir.

Je claque la porte derrière moi, mon sac sur l'épaule et son sac dans ma main. Je salue Monsieur Griffin d'un geste de la main avant de sortir dans le froid polaire de New York. Je n'aime pas l'hiver à New York. Non. En fait, je n'aime pas New York tout court. Il y a du bruit sans arrêt, des piétons dans tous les sens et on baigne dans un nuage de pollution en permanence.

Je cours à travers les rues. Heureusement, notre maison n'est pas très loin. Je me réfugie rapidement dans le hall d'entrée. Je souris en sentant l'odeur de la soupe de potiron. Ma sœur braille déjà qu'elle doit aller faire du shopping. Si Irina n'est pas à l'école ou à la maison, elle est dans un magasin. Je pense qu'elle devrait plutôt remercier le ciel de nous loger et d'avoir la vie que l'on mène.

- Maya ? C'est toi ?

- Oui, Mamina !


Je monte les escaliers deux à deux avant d'atteindre ma chambre et de cacher le sac. Ma soeur serait capable de fouiller pour chercher un vêtement et si elle voit le sac, elle continuera de fouiller. Une véritable fouine mais je l'aime quand même.

Je redescends, un chignon plus soigné dans les cheveux mais quand j'arrive dans la salle à manger, ma grand-mère me regarde d'un air réprobateur.

- Tu aurais pu te changer.

- Je n'ai pas eu le temps de me doucher. Je ne vais pas mettre des habits propres alors que je suis sale.

- Et ce sweat ! Tu es obligée de porter des sweat ?

- C'est vrai qu'on dirait que tu sors du Queens.


Ça va être ma fête. Sortez les petits-fours et les robes de couturier, bientôt je vais passer sous les rayons X de ma sœur.

[L.4] LOVE & THEATERWhere stories live. Discover now