Chapitre vingt-cinq : Maya

194 21 2
                                    

Je sais que mon regard s'alarme. Je sais que je ne me sens pas bien. Je me sens lourde. J'ai mal partout. Mes plaies ne sont pas totalement cicatrisées. Je ne devrais pas tenter le diable. Je ne devrais pas jouer les dures à cuire. Je ne suis clairement pas en état de me battre et surtout pas contre Joanne.

Il n'hésitera pas à me mettre au sol. Il veut des réponses que je n'ai pas envie d'en donner. Son regard n'a pas changé. Il est toujours aussi déterminé.

Je regarde autour de moi, j'analyse la pièce mais il n'y a rien. Je suis ligotée à une chaise, allongée sur le dos, les jambes en l'air. Dans le genre position de soumission, on peut mieux faire.

Le nuage blanc m'envahit de plus en plus. Je n'arrive pas à respirer. J'essaye de maîtriser ma respiration mais c'est dur. Ça fait mal. Je sais que je n'en ai plus pour longtemps. Je n'arrive plus à le regarder dans les yeux, ni même à le voir. J'ai besoin d'air. Mes poumons crient au secours. Mon cerveau va bientôt s'éteindre. Je les sens, les prémices de l'évanouissement. Je les connais par cœur. Ce ne devrait pas être une habitude et pourtant ça l'est.

- Détache-moi... et je... te... réponds.

- Ne me prends pas pour un con.


Parler me coûte beaucoup. Trop. Eryne continue de jurer de l'autre côté de la porte mais Joanne l'ignore. Joanne n'a qu'une idée en tête et il est prêt à tout. Mon corps n'a plus aucune valeur à ses yeux. Il se moque de ce que je pense. Il veut profiter de ma faiblesse pour en faire ce qu'il veut.

Mes muscles m'abandonnent. Mon corps n'est qu'un tas sans vie.

- Toi.


Alors je cède. Je réponds. J'ose ce petit mot mais il ne comprend pas. Comment peut-il prendre conscience de ce que j'ai refoulé pendant treize ans. Je ne suis pas bête, je suis peut-être novice en la matière mais je connais les signes de lutte et ils étaient là. Ils ont toujours été là quand Joanne était dans les parages. J'ai lutté... jusqu'à choisir entre dire la vérité ou abandonner mon corps. J'ai choisi la vérité pour mon corps.

La pression se relâche légèrement. Ma bouche cherche de l'air. J'ai besoin d'air. Mes poumons me brûlent.

- Qu'est-ce que tu veux dire ?


J'ai mal. Putain que l'amour fait mal. Mes larmes continuent de couler. Le tableau doit être atroce. Je vais mettre du temps à l'accepter. Je ne pourrai jamais digérer que Joanne m'ait vue dans cette position. Je sais que je vais m'en vouloir. Je vais porter le jugement d'autrui comme s'ils avaient assisté à la scène alors qu'il n'y a que nous. Que dirait quelqu'un qui rentre ? Comment me trouverait Eryne ? Qu'est-ce qu'elle penserait de moi ? Que je suis faible. La vérité est aussi crue, aussi ancrée qu'un nom dans le marbre. Ce nom je le connais. J'ai lutté jusqu'à ne plus avoir de force parce qu'au fond j'y trouvais un certain réconfort. Ce nom est simple. Le prononcer est douloureux. Je ne suis pas comme Hannah. J'ai peur de prononcer un mot.

Je me mords la lèvre parce que c'est tout ce que je peux faire pour faire passer les angoisses, l'anxiété et ce nom. Je me mords jusqu'au sang. Je n'y arrive pas. Entre Joanne qui veut des réponses et le poids du jugement, c'est trop douloureux. J'ai besoin de mes bras. J'ai besoin de me rassurer. J'ai besoin d'un espoir, de croire que la situation n'est pas si désespérée.

-Pourquoi tu es partie il y a treize ans ?


Alors c'est ça sa question. Il n'a pas d'ambition plus grande, de mystères plus énigmatiques.

[L.4] LOVE & THEATERDonde viven las historias. Descúbrelo ahora