Chapitre vingt-huit : Maya

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Ça fait du bien. Je plante l'aiguille dans le creux de mon bras. Je m'adosse contre la tombe à même le sol.

    J'appuie sur la seringue. Je sais que la dose est importante. Je n'en ai pas consommé depuis trop longtemps. Je ne pourrai pas en mourir, juste ne pas m'en souvenir. Ce n'est pas plus mal. Je ne veux pas me souvenir de ce qu'il vient de se passer. Je ne veux pas repenser à la descente aux enfers alors j'appuie. J'appuie jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien. Je desserre le garrot.

    L'herbe danse. les brins ont l'air si doux et si beaux.

    Je n'ai jamais eu besoin d'attendre trop longtemps les effets. Méthadone. Quel joli nom pour une drogue qui peut vous faire faire des folies.

    Je ferme les yeux. J'aurai pu aller faire du yoga, aller tirer sur un arbre mais je me contente de m'allonger par terre sur le tapis douillet.

    L'herbe est fraîche. Les flocons de neige continuent de tomber. J'ai froid. Je caresse le marbre. Elle me manque. Je ferme les yeux, je nous revois aux Maldives, sur le pont de Brooklyn à regarder le soleil se lever, un donuts dans les mains et de l'alcool dans le sang. J'étais la fille discrète, secrète mais elles ne m'ont jamais oubliée.

    Kate était d'accord avec Joanne. Ça me fait mal. Ça fait sacrément mal d'avoir le cœur brisé. L'amour fait mal.

    Quelqu'un s'accroupit à côté de moi. Je souris.

- Rozovyy.


    Elle ne sourit pas vraiment mais je me rappelle quand elle venait dans mon lit les soirs d'orage. Je me rappelle quand je la coiffais pendant qu'elle me parlait des dernières rumeurs sur notre école. Je me rappelle quand je cherchais un vêtement partout et que je le trouvais dans sa penderie, quand elle m'a appris à me maquiller, quand on allait faire les boutiques, quand je la rejoignais dans un bar, quand on s'amusait à tromper nos amis à cause de notre apparence.

    Ma main caresse sa joue. Elle est si douce, si belle. Elle est devenue tellement belle. J'aimerai avoir la recette pour être aussi belle. Pourtant je lui ressemble. Je devrais être aussi belle mais je crois que la vie fait mal les choses.

- Tu es complètement stone...


    Mon pouce caresse sa joue. Elle sourit. Elle regarde mon corps. Je ne sais pas si elle me juge, je ferme les yeux. Ma main ne tient plus dans les airs. Elle tombe. Elle touche l'herbe, la terre humide.

- J'ai froid, Roz'

- Plus pour très longtemps. Je te le promets.


    Je souris. J'ouvre les yeux. Ils restent à demi-clos. Dehors, il fait nuit. J'ai passé ma journée à errer, à me droguer, à éviter mes pensées.

- Je suis désolée pour papa.

- Tu as été égoïste. Ce n'est pas grave. Ça arrive même aux plus forts d'entre nous.


    Sa voix est douce, rassurante. Mon cœur bat calmement. Je crois que je me sens bien. Je suis en apathie totale. Je n'ai pas mal. Ça fait du bien de ne pas avoir mal.

- Pourquoi tu pleures Belyy ?


    Ma sœur s'inquiète. Est-ce la réalité ? Un mirage ? Je ne sais pas. Elle attrape ma main. Ça semble réel. Ma sœur s'inquiète. Elle ne s'est jamais inquiétée pour moi. Elle m'a toujours laissée dans mon coin, même petite, je pouvais pleurer qu'elle continuait de prendre mes affaires.

    J'essaye de me tourner, de me mettre sur le dos. Il faut que j'élargisse mon champ de vision. J'y arrive.

    Pourquoi je ne l'ai pas senti ? Pourquoi je n'ai pas réalisé avant ? Ce n'est pas normal.

[L.4] LOVE & THEATERWhere stories live. Discover now