Chapitre douze : Maya

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Il y a des jours où l'on sent que rien ne va, que le monde va s'écrouler, que toutes vos fondations ne sont faites que de terre et lorsqu'il pleut, plus rien n'existe. Aujourd'hui, est un jour où j'ai ce pressentiment. Je me lève, je regarde le miroir en face de moi et je les lis post-it roses qui forment un cœur. Je regarde celui sur lequel j'ai dessiné une frite. Je n'ai pas vomi. Ce jour était une victoire. J'ai mangé. Cinq frites mais je les ai mangées. J'ai l'impression que ce jour était dans une autre vie, que j'étais une autre personne, que ce jour n'était qu'un rêve.

Hannah y a mis ses exploits : tenir la main de Timothy, ne pas se battre à l'école, faire des cookies avec papa et Dan, découvrir Harry Potter.

Je regarde ces post-it parce que j'ai l'impression qu'ils vont me manquer, qu'ils vont s'envoler.

Mon téléphone sonne. Je n'aime pas ça. Je me dis que je devrais simuler une maladie, rester chez moi, dans mon lit et ne me réveiller que demain. Mais même ici, je ne me sens pas en sécurité. Je ne me sens en sécurité nulle part. La sécurité n'existe pas, même pour les plus audacieux.

Le nom de l'école s'affiche, un message de Matt apparaît. On est convoqué maintenant. Je sais ce qu'il s'est passé. Hannah a encore frappé.

J'enfile un tailleur en vitesse, une paire d'escarpins et attrape mon sac à la volée. Novembre arrive. Je n'aime pas. Noël approche et j'aime encore moins ça.

En moins de dix minutes, je suis devant l'école. Je prends une inspiration, secoue mes cheveux pour tenter un air travaillé et avance. Comment on va faire ? Comment va finir cette journée ?

Je passe les premières portes, longe le couloir, monte les marches, rentre dans une première pièce. Joanne est là. Matt est là. June n'est plus là. Hannah me regarde, elle a ce regard désolé, empli de pitié et d'excuses.

- Maman...

- Arrête. Je ne veux pas t'entendre.


J'ai vu la vidéo surveillance dans le taxi. Elle a encore voulu jouer les héros mais là, c'est elle qui va finir par se faire virer. J'aurai investi des milliers de dollars dans une école qui n'a qu'une règle d'or : faire respecter les règles. J'ai réussi à la défendre, à la protéger pour l'uniforme mais là, là c'est trop.

La porte de la directrice s'ouvre, on entre. Je reste debout, au fond, contre le mur, à côté de la porte. Je veux partir. Ça sent les emmerdes à plein nez.

La directrice me regarde, regarde Matt, Hannah. Elle ne m'aime pas. On ne s'est jamais aimé. On se voit trop, se connaît trop. Elle en a marre et moi aussi.

- Madame Petrova. Hannah a voulu... Elle s'est opposée entre ses camarades et Timothy.


J'ai envie qu'elle abrège, qu'on en finisse au plus vite. Je sais que ce n'est que le début, je ne pourrai rien faire de plus. Je ne peux pas contrôler les éléments, ni la vie, aujourd'hui, la vie va être une garce.

Alors je supporte son regard condescendant, son jugement vis-à-vis de notre éducation. Hannah se retourne pour me regarder mais je l'ignore. Je lui ai déjà dit qu'elle n'était pas wonderwoman et que dans cette école, les superhéros n'existent pas.

- Hannah sera exclue quatre jours.

- Donc la semaine, je tranche.

- En d'autres termes, oui.


Je me redresse, la fusille du regard. Je ne l'aime pas. Elle ne m'aime pas.

- Hannah, va chercher tes affaires tout de suite.

[L.4] LOVE & THEATERWhere stories live. Discover now