Chapitre dix-huit : Maya

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J'entends Joanne derrière moi discuter avec Peter, Elijah, Abby et Nate. Il m'emmène partout avec lui. Je suis comme un chien qui doit rester sagement à ses pieds. Je m'assois par terre près du feu. Je regarde les flammes danser pendant qu'ils cherchent une solution au problème que je suis. Je n'ai plus la force de les écouter.

    Les jambes repliées contre ma poitrine, le menton posé sur mes genoux, je regarde le feu. Comment quelque chose de si beau peut être si dangereux ? Est-ce que tout ce qui est beau est dangereux ? Est-ce pour ça que c'est beau ? Non. Je suis dangereuse, une arme montée de toute pièce mais je ne suis pas belle. Je ne le serai jamais. Ce n'est pas que moi qui le pense, on me l'a souvent répété.

    "Regarde comme elle est blanche, on dirait un cadavre."

    "Tu as vu ses cheveux ? Même avec tous les soins du monde ils resteront laids."

    "Regarde son corps, même un chien pourrait en venir à bout."

    Toutes ces paroles, ces critiques, ces regards que j'ai endurés. Un moment, j'ai pensé qu'ils m'avaient forgés mais ils m'ont juste détruite petit à petit.

    Une porte s'ouvre. Des pas lourds résonnent dans la pièce. Nous ne sommes plus seuls. Ils ne sont pas seuls à entrer. Je ferme les yeux dans l'espoir infime que ça dresse une barrière de protection entre eux et moi.

- Lève-toi.


    Je ne suis pas dupe. Je me doute bien que William Jones s'adresse à moi. J'obéis comme un animal domestique. Mon corps flotte dans ce pantalon trop grand, ce tee-shirt. Même Cendrillon avait plus de classe quand elle faisait le ménage.

    Les mains toujours liées devant moi, je regarde le portrait de famille. William, ses quatre fils, ses quatre petits fils et sa petite fille restante. Dans quel état va revenir Kate ? Elle aura besoin de soin, d'un congé, d'une convalescence si elle n'est pas déjà trop engagée sur le chemin des ténèbres.

- Alors il paraît que tu voulais venir, te voilà. Bordel, je suis vraiment en train de négocier avec une femme ?


    Personne ne sourit, encore moins ses petits-enfants qui vivent à une époque différente. William doit être du genre à baiser les femmes avant de regarder mourir comme s'il assistait à la mort d'un moustique. Sans aucune compassion et avec plaisir.

- C'est étrange mais il n'y a rien au nom de Belyy Petrova. D'où tu sors ? Qui est ton père ?


    Nous y voilà. Mon père. Mon géniteur. L'homme qui m'a abandonnée à ma naissance. Celui qui m'a foutue dans les bras de ma grand-mère pour continuer sa petite activité de dépravé. L'homme qui m'a conçue, qui m'a aimée, qui m'a apportée son soutien et son amour.

    William me regarde. Il veut des réponses. Il s'approche de moi, sa canne dans les mains. Il pense que je n'anticipe pas ses coups mais je souris. Cet homme est plus prévisible que n'importe quelle attaque nucléaire. Je vais le faire se révéler au grand jour, montrer à sa famille qui il est vraiment. Frappe-moi et je déclencherai le sablier qui te sépare de la mort.

    Je reçois un coup dans les côtes. Elles ne se brisent pas mais c'est assez douloureux pour me faire plier les jambes et me mettre à genoux devant lui. Quelle ironie. Il aime se sentir supérieur mais on ne dit pas qu'il faut se méfier du serpent qui reste sagement tapis dans l'ombre ?

- Je ne me répéterai pas. D'où tu viens ?


    Il n'y a pas été de main morte en me frappant. Je serre les dents. Je me mords la lèvre déjà fendue. Elle peut saigner que je salirai son beau tapis à quelques milliers de dollars. De toute façon, à sa mort, personne n'en voudra.

[L.4] LOVE & THEATEROù les histoires vivent. Découvrez maintenant