Oppa Gamla Stan

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      La tempête nocturne – la vraie, celle de la météo – se lève sur un jour radieux à Stockholm. Nous débarquons du ferry à 10h, après avoir traînaillé au petit déjeuner : la faute à Jérèm, barbouillé par les frasques de la veille. Ce n'est pas faute, pourtant, de l'avoir prévenu d'éviter les cocktails. À plus forte raison s'ils sont triples.

La première étape de la journée consiste à s'engouffrer dans le métro, direction Gamla Stan, le centre historique façon maison en pain d'épices. Les dimensions urbaines ne sont pas les mêmes ici qu'à Helsinki : si la dernière fait office de capitale Polly Pocket, sa voisine suédoise est bien plus étoffée. Il n'y a que deux lignes de métro dans l'agglomération finlandaise. Ici, on se rapproche du plat de nouilles parisien. Ça me donne des sueurs froides.

Carte de transport en main, nous grimpons dans une rame. Le parfum Axe de Jérèm, avec lequel il a l'habitude de littéralement se doucher, m'agresse les narines. J'essaye de m'écarter, coincée toutefois entre un siège occupé et le blondinet breton. Il faut croire que je suis un pôle, à l'attirer comme un aimant.

« On s'arrête reprendre un café ? proposé-je alors que nous nous extirpons des entrailles bondées de Stockholm. J'aurais bien besoin d'une dose supplémentaire.

— Les Espagnoles t'ont perturbée, ma biche ? me nargue Jérèm avec un coup de coude parfaitement déplacé.

— Pas du tout, j'ai dormi comme un bébé. »

Le fait est qu'entre la libido ibérique, le roulis perpétuel et des rêves passablement vivides, mon sommeil n'a pas eu l'occasion d'être réparateur. Pour couronner le tout, Alejandra est revenue à l'aube dans l'idée de finir sa nuit et Olivia s'est levée peu de temps après pour monopoliser la salle de bain, Rihanna à fond sur son téléphone. Ce ne sont plus des valises que j'ai sous les yeux mais une bagagerie complète, avec maroquinier et crocos en sus.

« Oppa Gamla Stan ! scande Jérémie devant la pancarte qui indique la vieille ville. Heeey sexy lady, wop wop wop !

— Arrête, andouille. On va passer pour des Français moyens.

— Mais on est des Français moyens. »

Nous parcourons quelques rues coquettes jalonnées de boutiques plus ou moins touristiques. Des souvenirs vikings, à mettre entre gros guillemets, fleurissent dans les vitrines : des mugs en forme de crâne, les célèbres casques à cornes en plastique, des figurines de trolls qui agitent fièrement le drapeau suédois. S'imaginant que ça doit me plaire, Jérèm me montre des Elfes made in China alanguies sur des champignons mal peints.

« C'est comme dans le livre que t'écris, non ?

— Mes Elfes ne se promènent pas en nuisette. Et j'ose croire qu'elles ne tendent pas la croupe de cette manière, on dirait des Espagnoles.

— Tu me feras lire, un jour ?

— T'as bouquiné quelque chose depuis Oui-Oui au pays des Jouets ? s'enquiert Soline en disparaissant sous un bonnet tricoté jaune et bleu.

— J'ai tous les Titeuf chez moi.

— Super, je vais signaler ton cas à l'Académie, ça mérite une distinction.

— Non mais j'ai aussi vu le truc là, le Seigneur des Anneaux. Le premier. On pourrait se faire une soirée pour mater la suite, ajoute-t-il, aussi collant qu'un chewing-gum sous une semelle.

      — C'est moi ou il est particulièrement relou aujourd'hui ? me glisse Soline alors qu'il s'éloigne, attiré par un drakkar miniature chargé de verres à shots. Il doit se douter de quelque chose, ç'a un sixième sens, ces bêtes-là. Faut qu'on trouve un nom de code pour ton crush.

— Léandre, ça me paraît bien.

— Oh, t'es pas drôle.

— Il n'est de toute manière nulle part en vue. Donc...

— On doit être pour 17h au ferry, peut-être qu'on le croisera à ce moment-là. »

Peut-être, oui.

Liquorice LoveWhere stories live. Discover now