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J'étais toujours pensif. Je repensais à cette femme. Je revoyais le mouvement de ses lèvres noires. J'essayais de me refaire une idée de tout le discours qu'elle tenait à ce moment-là où mon esprit vagabondait tantôt dans le monde des Fantasmes tantôt dans la triste Réalité. Je me sentais bizarre. Je ne savais plus qui j'étais. J'eus comme l'impression d'avoir vu un fantôme. J'avoue, ce n'était pas de mes habitudes de paraître si passible pendant un interrogatoire. Tout ça me rendait malade au point où j'interrompis Jay.
- Stop! fis-je nerveux, en passant la main dans mes cheveux.
- Qu'y a-t-il ? demanda Jay.
- S'il y a bien une chose que je comprends, vous ne savez pas grand chose sur Philip Jackson ? interrogeai-je la cinquantenaire.
- Pas vraiment! Mais je disais à l'instant à votre collègue que Philip, que son âme repose en paix, était un homme très professionnel. Il ne parlait presque jamais de sa famille encore moins de lui même. La seule chose que je savais, c'était qu'il avait une fille. Et même là, il ne nous a jamais dévoilé le nom de sa fille.
- D'accord , je vois, repris-je, plus ou moins serein.
- Et qu'est-ce qu'ils organisent ici, sans être indiscret ? demanda Jay.
- Les funérailles de Mme Smith.
- Nous sommes vraiment navrés, lui retourna Jay.
- Je pense qu'il serait mieux de revenir un autre jour.
- Oui, je pense aussi. Autre chose? s'enquit la gouvernante.
- Non. Nous nous en allons déjà. Jay, l'interpellai-je.
On se leva tous les deux puis nous remercions Julia pour son aide avant de partir.
*
[Kara/Abby]
J'atteignis enfin notre lieu de rencontre habituel. C'était un chalet très paisible, situé à quelques kilomètres de la ville. Il était bâti en chêne rouge et solide et soutenait un vaste porche. L'odeur du boisement m'étouffait et bientôt Dame nature tendait à s'emparer de mon âme. Les oiseaux s'élevaient dans le ciel en clans et piaillaient à en perdre leurs cris. J'apercevais déjà sa silhouette à travers la fenêtre quadrillée et vitrée. Toujours aussi splendide! Je m'approchai du chalet et je n'eus même pas le temps de sonner qu'elle vint m'ouvrir.
- Bonjour Kara, me lança-t-elle.
- Quel plaisir de te revoir Abby, fis-je en retour, d'un air jovial.
Elle me laissa entrer et nous nous asseyions.
- Alors, qu'y-a-t-il? demanda Abby.
- La police a réouvert le dossier de papa, répondis-je, exaspérée.
- Comment le sais-tu ?
- Je reviens de chez les Smith et comme tu peux l'imaginer, j'ai été interrogée. Mais rassure toi, je leur ai dit que je ne savais absolument rien sur lui. Même si cela m'a fait mal de le renier ainsi...
- J'espère au moins que tu n'as rien dit de plus?
- Non mais tu me prends pour qui Abby? Si j'étais conne on n'en serait pas là aujourd'hui.
- Ok, détends-toi chérie. Je te comprends parfaitement.
- J'ai même été jusqu'à dire "mon tendre époux". Tu t'imagines? J'en ai la nausée.
- J'imagine bien, ria-t-elle.
- Y-a-t-il d'autres informations sur Oliver Green?
- T'en fais pas, Jerry s'en occupe.
- Je ne saurai jamais comment te remercier pour tout ce que tu m'as faite, repris-je, gênée.
- Tu sais Kara, débuta-t-elle en posant ses mains sur les miennes, j'aurais fait pareil si j'étais dans la même situation que toi. Je t'aide de bon cœur et je ne regrette pas de m'être engagée dans cette aventure. Tu sais quoi encore, ton supposé Christopher, nous boirons son broyât comme ce vin que je m'apprête à siffler, finit-elle en saisissant sa coupe de vin.
J'en fis de même et nous trinquions, des sourires sournois scotchés à nos lèvres.
*
[Anthony]
Il était 19h43. Je venais d'arriver à mon appart. Tout était calme comme d'habitude. Je ne tarde pas à jeter ma veste dans le canapé qui faisait dos à l'énorme baie vitrée qui reflétait la ville, lumineuse et bruyante. Je retire ma cravate qui m'étouffait depuis un long moment puis ma chemise. Je m'affalai dans le canapé comme si l'on m'eut poussé et je repensais encore à ses yeux verts. Pourquoi diable pensais-je à cela? Sûrement que j'étais un peu trop fatigué. Je fermai les yeux, essayant de faire le vide dans ma tête. Et sans le savoir, je m'endormis...

J'ouvris les yeux et je constatai que j'étais attaché à une chaise. J'étais incapable de bouger. Je balayai du regard l'endroit et je me rendis compte qu'il s'agissait du toit de l'immeuble que j'habitais. Presque personne ne venait jamais ici. Que fous-je là alors? Bon sang! J'essayais tant bien que mal de défaire les cordes qui m'empêchèrent de me lever mais en vain. Je la vis tout à coup, apparaître de nulle part. Oui, je n'hallucinais pas. C'était bien elle, la jeune femme de ce matin. Elle était vêtue d'une nuisette en dentelle rouge qui s'envolait au gré du vent. Je la vis marcher vers moi, une démarche souple et ses cheveux recouvrant une partie de son visage. Plus elle s'approchait de moi, plus ma respiration s'accélérait. Il arriva le moment où il n'y avait plus d'espace entre nos deux corps, ce moment où elle s'assit sur moi et s'agrippa à mes cheveux emmêlés. Je ressentis comme un frisson me parcourir le corps lorsqu'elle passa sa main le long de mon torse dénudé. J'avoue que ça ne me déplaisait pas le moindre du monde. Elle me souffla ensuite à l'oreille gauche:
- J'avoue que j'ai la même envie que toi en ce moment mais à quoi bon baiser avec un impuissant?
Moi? Un impuissant ? J'espère que c'est une blague. Comment pouvait-elle me traiter de la sorte? J'en étais à fleur de peau. Je ne sais de quelle force encore moins par quelle magie j'arrivai à détacher la corde qui me retenait tel un lion en cage. Sans hésiter, je l'empoignai par les fesses avant de la soulever tout en me levant. Je la plaquai raide contre le sol, l'emprisonnant entre mes bras robustes. Je figeai mon regard dans le sien, si émeraude et si profond.
- Alors, dis moi ta position préférée et je te montrerai de quoi je suis capable...

Un bruit résonna. C'était mon téléphone qui sonnait. Je me réveillai en sueur et saisis rapidement l'appareil dont la sonnerie m'agaçait déjà. Aussitôt que je décrochai, le portable s'éteignît. Fais chier! La cerise sur le gâteau, j'avais ma troisième jambe bien dure...

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