14.

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L'homme s'approcha de moi. J'étais figée et mes larmes coulaient à flots. Il toucha mes cheveux, auparavant longs, frisés et noirs. Il engagea une marche autour de mon corps immobile et s'arrêta juste derrière moi. Il sembla sentir mes cheveux.
- Tu sens bon, ma poulette! fit-il d'une voix qu'il aurait dû croire sensuelle. Dis donc, Alicia, elle est bien bonne la marchandise, continua-t-il en se pointant à nouveau devant moi, témoignant d'un regard très pervers.
Elle ne répondit pas, cette sale garce. L'homme reprit:
- Tu vas faire un fou succès à La Casa. Surtout avec tes p'tits nichons bien arrondis. Miam!
Il me dégoûtait. Ses paroles n'étaient que disgracieuses et manquaient cruellement de bonnes manières. Il voulut me toucher quand je recalai sa main, aussi dure que l'acier et aussi sale que la patte d'un porc.
- En plus de ça, elle est bien sauvage. J'ai hâte de te découvrir.
Que pouvait-il vouloir dire par me découvrir ? J'espère que je devais me tromper. Il se tourna enfin vers Alicia.
- Bon boulot, Lili chérie, dit-il en essayant de lui faire un bisou qu'elle esquiva.
- Ne me touche pas, salaud!
- Attention Lili! T'oublies que je retiens ton gamin.
- Tu m'avais dit qu'après t'avoir ramené une autre fille que tu me le rendrais.
- Bah c'est moi qui décide et là j'ai décidé que je ne te le rendrai pas. À moins que, commença-t-il en lui passant son index de façon indiscrète le long de la poitrine.
   Alicia recula d'un pas et éclata en sanglots.
- Tu me l'avais promis Tomy!
- On t'avais jamais dit que je ne respectais pas mes promesses?
Ils se disputaient toujours. Le prénommé Tomy avait le dos tourné. J'avais encore une chance de m'enfuir. Je courus vers la porte et empoigna le poignet. Je l'ouvris et je tombai nez à nez avec un gorille. C'était un homme très géant. Des applaudissements semblaient parvenir de derrière. Je n'en croyais pas mes yeux. Il n'y avait plus d'issue. J'étais décidément foutue. Je me retournai, peu sûre de moi et Tomy était là.
- Alors comme ça tu croyais pouvoir m'échapper poupée ?
J'étais inerte. Je n'arrivais plus à émettre un quelconque son. Tomy ordonna au gorille:
- Charge-toi d'elle.
Je sentis mon bourreau me saisir par derrière et me déposer un mouchoir sur le nez. Je m'empêchais de respirer. Je me débattais du mieux que je pouvais. Mais à bout, je finis par céder et je tombai dans les pommes.
***
J'ouvris lentement les yeux. J'avais un de ces mal de crâne. Je me sentais asphyxiée et j'arrivais à peine à voir où j'étais. Je sentais qu'on se déplaçait . Sûrement étais-je en voiture? Je finis par me rendre compte que l'engin était plus vaste qu'une voiture surtout qu'il y avait d'autres filles approximativement du même âge que moi, toutes assises sur la plaque froide et ensardinées. Il n'y avait plus de doute. C'était un camion. Je regardais autour de moi, comme si j'étais parmi des zombies et je cherchais en vain mon sac. Fais chier! Il n'était pas là. Je me mis à frapper sur la carrosserie en hurlant:
- Faites moi sortir d'ici!
Personne ne me répondait. L'engin continuait toujours de rouler. L'une des filles présentes m'interpella.
- Ça sert à rien tout c'raffut que tu fais. De toute façon, on n'est ici contre notre gré. C'est pas maintenant que ces enflures vont se décider à nous écouter.
- Elle a complètement raison, continua une autre jeune fille. Ces gens sont très méchants et ils risqueraient de nous tuer si on tentait quoique ce soit.
Je finis par leur répondre:
- Pourquoi? Pourquoi nous font-ils ça ?
Sans m'en rendre compte, je coulais des larmes. Cela ne m'empêchait guère de finir mon discours.
- Ils nous emmènent où ?
- D'après ce que j'ai entendu, au Mexique.
Je soupirai, sans réponse. Les dés étaient déjà jetés. Je fermai les yeux pour réfléchir et des milliers de questions me traversèrent l'esprit. Quand est-ce que tout a basculé ? Probablement depuis que j'ai donné ma confiance à cette inconnue. J'aurais préféré mourir que de subir cela. J'en arrivais même à remettre en cause l'existence de Dieu. Je perdais la foi en Lui et surtout en moi. Je pleurais plus amèrement. C'était la seule chose que je savais faire le mieux et que nul ne pouvait m'interdire. Mon cœur se serrait et mes mains tremblèrent. Je détestais cette situation. Je n'aimais pas être dans l'incapacité ou dans la posture de faiblesse. Je pleurais encore et encore, sans fin... Je pleurais toute la haine que j'avais en moi...

***
J'avais perdu toute notion du temps. Les autres filles autour de moi semblaient sereines. Certaines somnolaient pendant que d'autres paraissaient soucieuses. À un moment, l'on vint nous ouvrir la porte. Il y avait là deux hommes dont j'ignorais totalement l'identité. L'un d'entre eux nous ordonna de descendre et il précisa que l'on ne devait pas faire de bruit sinon ç'aurait été le dernier que l'on émettrait avant de la fermer à jamais. Les autres filles exécutèrent silencieusement. Je n'en fis pas de même. Au contraire, je crachai au visage de l'homme qui nous eut adressé des mots à l'instant toute ma haine.
- T'es vraiment qu'une ordure toi!
Indigné, il me saisit par le cou et me maintenait fermement.
- Tu veux bien le répéter?
- Apparemment t'es aussi sourd.
- Tu sais pas à qui t'as affaire sale traînée.
- Ah bon t'es qui?
- Il suffit de claquer des doigts et je te fais sauter la cervelle.
- J'ai plus rien à perdre donc c'est quand tu veux, enfoiré!
Il me regarda assez longtemps. Il n'osa pas me toucher. Il semblait se retenir pour une quelconque raison. Il finit par me lâcher et je le regardai une dernière fois avec dédain.
L'autre homme, quant à lui orientait les filles. L'endroit était très vaste. À l'entrée, il y avait un écriteau qui portait l'inscription «Bienvenido a la casa». Plutôt bienvenue en enfer oui! Le domaine était très éclairé et ressemblait à une villa. Des palm trees s'éparpillaient un peu partout dans le palace à la manière des routes Angelines que j'avais l'habitude de voir dans les films. Nous avancions toujours et je n'avais pas idée de l'endroit où nous étions. Nous finissions par atteindre une vaste porte où deux hommes, grands et impassibles se tenaient aux extrémités. Ils se chargèrent d'ouvrir la grande battante et tout droit devant se dressait un homme, assez svelte et à la silhouette féminine. Il portait un slim et un bodysuit noir qui affinaient sa taille et avait par dessus sa tête un chapeau de plume, rond et sombre. Un foulard doré lui enlaçait le cou pendant qu'il chaussait des bottines noires aux boucles en or. Une légère moustache sublimait son visage et mettait en exergue sa finesse. Il n'y avait plus de doute. C'était un gay... L'homme ouvrit enfin la bouche, un grand sourire de mannequin aux lèvres et dit:
- Soyez les bienvenues mis bebes.

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