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[Kara]
J'avais passé tout mon temps à pleurer dans ma nouvelle chambre. Non pas parce qu'elle n'était pas à mon goût. Au contraire, j'aurais fait du lèche bottes pour en mériter une telle. Mais je pleurais juste pour ne pas m'ennuyer. Oui je sais, vous penserez que je suis folle. Sauf que je ne le suis pas encore. On va dire que j'y suis presque.

Je ne cessais de ressasser toutes mes peines du passé, les événements difficiles que j'avais eu à vivre. Bref, ma vie entière. J'avais bien pleuré et je m'en étais même lassée. Après ce petit moment de dépression que je qualifierais de méditation, j'avais retrouvé toute ma vivacité. J'étais dorénavant d'humeur joyeuse et sportive. Mais je crois bien que nous allons écarter cette possibilité de faire quelconque sport.

J'étais collée à l'une des fenêtres de ma somptueuse chambre victorienne triple XXL. Je scrutais les allers-retours du chien que je n'eus sûrement pas aperçu à mon arrivée ici. C'était une race de chien boxer au pelage fauve. Il avait l'air de s'amuser vu ses vaines tentatives pour parvenir à attraper un papillon qui se foutait royalement de sa gueule. Je souris à cette scène puis me décollai de la vitraille dorée. Une porte à deux battants s'érigeait en face du lit King size qui allait devoir me supporter les prochains jours à venir. Eh oui! Je comptais dormir encore et encore si je n'avais rien à faire jusqu'à ce que Morphée se débarrasse de moi. Je me dirigeai alors vers la magnifique porte aux motifs distingués, ne manquant toutefois pas de me reluquer dans le miroir ovale qui était disposé dans le coin de la pièce. Je l'ouvris puis tombai sur un balcon circulaire d'où j'avais une vue plus ample sur le jardin et la gigantesque piscine bleue azur. Des transats logeaient à l'ombre de parasols moyens, noirs plombant sous le doux soleil de l'après midi. Ce domaine était un havre de paix à en considérer le paysage qui l'entourait ainsi que tout ce qui le composait. Tout avait été choisi avec goût, de l'emplacement jusqu'au mobilier. Tout était si féerique.

Je regagnai enfin la chambre suite à de longues minutes de contemplations , déterminée à découvrir les plus beaux coins de ce château cubain à commencer par mon cadre de logement. Je rejoignis le dressing en traversant un rideau à frange rose, en harmonie avec le noir brillant du décor. Si je n'avais pas été habituée à cela, j'allais hurler d'excitation. La garde-robe s'étendait sur une dizaine de mètres carrés au moins. Des vêtements, des parfums de luxe ainsi que tout un catalogue de chaussures de grandes marques étaient scrupuleusement ordonnés dans des cadres de rangement intégrés au mur . Au centre de la pièce, une petite table ronde, sombre et rembourrée était customisée et entourée d'un canapé semi-circulaire beige. Le plafond d'un blanc presque céleste offrait un lustre majestueux qui filtrait une lumière orangée. Le contraste entre les couleurs et la beauté des lieux m'empêchait de cligner des yeux. Je ne voulais rater aucune tierce de ce bout de paradis. Je commençai par examiner chaque produit, sentir leurs odeurs et surtout sautiller sans raison valable. Un bruit se faisait entendre. Il se répétait et s'intensifiait. Je sortis en hâte du dressing en criant un « J'arrive! ».
Je me demandais bien si la personne ne se fatiguait pas de continuer à insister malgré que j'ai dit que j'arrivais. J'ouvris finalement la porte et tombai sur l'une des servantes que j'avais eu à croiser à mon arrivée. Elle avait de longs cheveux frisés attachés dans une queue de cheval basse et vêtait une robe typique clichée des « conchitas » (femmes de ménage). Elle avait apporté un plateau-repas.
- ¡Entra, por favor! (Entrez, je vous en prie!)
Elle ne plaça guère le moindre mot puis partit poser le plateau en rotin sur la table ronde solitaire dont je n'avais jamais compris l'utilité jusqu'à présent. Elle repassa sous mes yeux fixateurs la tête baissée, évitant sûrement de croiser mon regard. Elle s'éclipsa totalement. Je refermai la porte, excitée à l'idée de me goinfrer à nouveau. Parce que oui, j'avais eu droit à un déjeuner dès mon arrivée. Et je devais avouer que la cuisine locale était très succulente. Je me jetai donc sur le plateau, constatant l'assortiment de snacks. Il y avait des fraises enrobées de chocolat, du fruit de la passion, une sorte de gâteau agréablement aromatisée à la noix de coco, des tostones bien croustillants et un guarapo. J'étais complètement aux anges avec ce cocktail de petites douceurs sucrées-salées.

                                ~~~

J'avais déjà terminé mon goûter de championne et ramené mon plateau à la cuisine après m'être perdue à maintes reprises dans la maison. J'avais également atteint le salon qui semblait être une salle d'opéra. Rien n'était fait à moitié ici. C'était ce que l'on appelait faire les choses en grand.  Un grand piano ornait le salon et séjournait près d'une porte vitrée. À l'autre extrémité de la porte se trouvait une commode noire, soutenant un gramophone et des disques. J'étais fascinée du fait de l'existence de cet appareil. Je le brandis de mon index. Aucune trace de poussière.
- Hallucinant! me dis-je tout bas.

Il fallait que je le teste. J'en avais besoin. En réalité pas vraiment mais je devais apaiser ma curiosité. Je fouillai dans la pille de disques à côté du gramophone et saisis un vinyle neutre. Je pris le tourne disque et m'assis à ras le sol tapissé en m'adossant contre la commode derrière moi. Si je devais me fier à ma traître expérience, je devais tourner la manivelle et tirer sur le butée. Une fois le mécanisme déclenché, j'allais placer le disque et et le faire côtoyer de la tête de lecture. Ça grinçait légèrement au début puis une mélodie commençait à s'affiner. Mais c'était toujours aussi désagréable à entendre. Je levai les yeux, le visage crispé d'une grimace et aperçut le majordome qui passait. Je l'interpellai.
- ¡Disculpe! (Excusez-moi!), lançai-je en vain.
Il n'avait pas l'air de me voir encore moins de m'entendre.
- Fais chier, me gueulai-je.
Je doublai d'ardeur.
- ¡Disculpe señor! (Pardon monsieur!)

Il m'entendît finalement puis s'empressa de venir vers moi.
- Señora... ¿Qué hace ahí en el suelo? ¡Buen Dios! ¡Levántate, te lo ruego! tentait-il de m'aider à me relever. ( Madame... Que faites vous par terre là? Bon Dieu! Levez-vous, je vous en conjure!)
- ¿Puede ayudarme a ajustar este dispositivo? me levai-je de mon plein gré. (Pouvez-vous m'aider à régler cet appareil?)

Je devais un peu plus lever la voix que d'habitude afin qu'il perçoive mes paroles.
- ¡Si, muestrame! ( Oui, faites voir!)

Je l'observais glisser un petit bout de métal sur le côté. La musique parvenait mieux aux oreilles. C'était du slow jazz.
- ¡Gracias! le remerciai-je toute souriante comme un enfant à qui l'on venait de promettre une dizaine de cadeaux pour Noël.
- - ¡Fue un placer ayudarla, señora! me sourit-il en retour. (Ce fut un plaisir de vous aider madame!)
- ¡Llámame Kara! (Appelez-moi Kara!)
- ¡Señora sería mejor! (Madame serait mieux!)
Il me sourit une dernière fois puis retourna sur ses pas après une brève révérence. Je le vis encore se tourner vers moi et me dire:
- En el futuro, siéntate en el sofá. (À l'avenir, asseyez-vous dans le canapé.)

Je ne pus que rigoler à sa réplique avant de le voir disparaître sous mes yeux. Je retournai donc à mon occupation, emportant le gramophone avec moi ainsi qu'un vinyle de rechange- I put a spell on you de Nina Simone.

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