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Une demi heure déjà que nous roulions dans cette voiture, une Roll Royce Phantom, noire et blindée. L'ambiance était tendue et bien qu'il était assis à l'arrière avec moi, je le sentais bien distant. Au bout d'un moment, nous finîmes par gagner l'enceinte d'une hacienda. Le domaine était très vaste et offrait un paysage verdoyant de fraîcheur. Nous n'y perdîmes pas de temps. Une fois descendus de la bagnole, Salvatore m'adressa enfin la parole.
- Suis moi!
J'exécutai, sans placer le moindre mot. Nous atteignîmes une piste d'atterrissage moyenne. Une allée menait jusqu'à un hélicoptère, à distance insignifiant mais de près imposant. Un homme habillé d'une tenue de pilote attendait devant l'engin volant. Salvatore l'aborda sur place.
- Tout est prêt?
- Oui monsieur, on peut y aller.
Je me tournai vers Salvatore pour lui demander:
- On va où ?
- Un endroit que tu vas aimer.
Il ne dit plus rien et je me résignai à lui accorder ma confiance. Il témoigna ensuite d'une énorme galanterie en me laissant monter à bord de l'hélicoptère en première. Il me succéda. Nous enfilions des casques même si je ne savais pas trop à quoi cela servait. Le pilote s'était déjà mis à son poste et nous étions prêts à décoller. J'avais vraiment peur parce que je n'étais jamais montée dans un avion ou un hélico auparavant. Je sentis alors la main de Salvatore se poser sur la mienne tout d'un coup. L'aurait-il remarqué ? À voir sa réaction, oui. Il entremêla ses doigts aux miens, me rassurant. Je me calmai aussitôt et l'engin décolla, paré pour de nouveaux horizons.

*
      7:09 p.m , December 24th, 2...
Cabo San Lucas, Mexique

L'hélicoptère venait d'atterrir sur une piste luminescente, totalement magnifique. Nous en descendîmes et une allée bordée par de petites pierres fluorescentes menait jusqu'à une vaste concession. Salvatore vint derrière moi me souffler à l'oreille :
- ¡Bienvenida a Los Cabos, señorita! (Bienvenue à Los Cabos, señorita!)
Une petite charge électrique me traversa tout le corps. J'eus comme des frissons et mes yeux ne pouvaient point, quant à eux se défaire du paysage pittoresque de ces terres mexicaines. Je descendis délicatement les trois marches qui se trouvaient à quelques mètres de la piste et j'avançais dans l'allée, emportée par le festival de couleurs offert tantôt par les pierres tantôt par de petites lanternes positionnées en hauteur tantôt par l'horizon bleu qui m'interpellait. Une légère brise, ni chaude ni froide embrassait ma peau, fragile et déstabilisée par la magnificence du domaine. Des palm trees s'étalèrent au loin, formant un cercle autour d'une fontaine et des allées s'éparpillèrent dans chaque recoin. Devant, une maison rectangulaire, vitrée et lumineuse dont le chemin d'accès était parsemé de quelques escaliers à faible hauteur et se suivant en zigzag. Le sol semblait marbré à ce niveau mais derrière, il était tout bonnement pavé. Un tapis de lys entourait la bâtisse toute entière et lui faisait office d'un rez-de-chaussée incroyable. Un bruit me parvenait, ce bruit... Ça fait si longtemps que j'avais entendu un tel tourbillon de mélodies. Oui, c'était l'appel de la mer. Je me sentais euphorique et très nostalgique. Je me rappelle encore de quand j'étais petite et que tous les dimanches, j'allais à la plage avec mon père. C'était son seul jour de repos et pour moi, c'était le jour où j'avais réellement un papa. Je n'étais pas cet enfant qui aimait les robes de princesse, les fêtes foraines ou encore les magasins de jouet. J'étais cette petite fille qui aimait passer du temps avec son père, au bord de la mer, dans le sable chaud, l'air dans les cheveux et m'asseoir sur la côte, au coucher du soleil et marmonner à mon père de ma tendre voix d'enfant : Papa, tu crois qu'un jour je pourrais devenir plongeuse ? Et lui, un sincère sourire aux lèvres, il me répondait toujours : Je crois en toi ma puce; si c'est vraiment ce qu'il te plaît. Ton papounet sera toujours là pour te soutenir. Et à ce moment, il me déposait un bisou sur le front en me rappelant à quel point j'étais talentueuse.
Mon rêve était de devenir scaphandrière. J'avais envie de découvrir les mystères de la mer, de la connaître autant qu'elle me connaissait moi. Parce qu'à chaque fois, je lui livrais tous mes secrets, toutes mes pensées. L'océan était devenu pour moi un puit à vœux où, à défaut d'y jeter des pièces , j'y balançais des coquillages auxquels je confiais mes plus profonds désirs.
Sans m'en rendre compte, je coulais des larmes...

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- Désolée de vous interrompre de façon si brutale, Mlle Jackson, mais dites-moi, c'était quand la dernière fois que vous étiez allée au bord de la mer?
- Il y a très longtemps, je dois l'avouer.
- À quoi vous fait-elle penser ?
- À la mère que je n'ai jamais eu. Elle me fait me sentir en sécurité et à l'abri.
- Voyez-vous, je ne veux pas paraître grossière ou indiscrète, mais, le cabinet ferme à 17h et là il est déjà 16h57.
Je respirai un grand coup avant de répondre :
- Vous avez raison. Nous continuerons un autre jour.
- Rendez-vous après demain à Coney Island beach dans le Seaside Cafe. Je vous attendrai là. 09h ça vous convient ?
- Parfait, fis-je en saisissant mon sac qui était depuis posé sur le meuble à côté du sofa où j'étais assise.
        Je saluai poliment Mme Lauren et la remerciai avant de mettre les voiles.
                                     *
Je n'avais plus personne. J'étais quasi-seule au monde. J'hésitais à passer au cimetière, déposer des fleurs sur le tombeau d'Isaiah. Non! Ça me ferait beaucoup trop de mal.
J'avais bien changé depuis le temps. Je n'étais plus la même que celle d'il y a huit ans auparavant. J'étais devenue forte et impassible. J'aimais cette nouvelle version de moi, même si ma vie n'a été qu'une succession de dégâts et d'erreurs. Je m'aimais beaucoup. Je passais plus de temps à écrire l'histoire de ma vie, à lire et à apprécier le monde autour de moi. J'en avais besoin. Je me reconstruisais finalement et je la voyais déjà à portée de main la vie calme et paisible dont j'avais toujours rêvé.
[...] Je décidai finalement de me rendre chez moi, ma sobre et unique maison, mon somptueux palace. Je stationnai ma voiture devant la géante porte principale puis j'en sortis, toute fière. J'entrai et je tombai sur les visages inquiets de Raya et de tante Amanda. Elles étaient tout ce qu'il me restait.
Elles m'inondèrent aussitôt de questions.
- Oh ma petite, où étais-tu diable passée ? s'enquit tante Amanda.
- Oui, on s'faisait du soucis pour toi, continua Raya. Où étais-tu?
- Calmez-vous! souris-je tendrement. J'étais juste chez ma psy.
- Ils m'ont parlé, fit tante Amanda.
- Qui donc? demandai-je.
- Les esprits... Les fantômes de ton passé reviennent... ils ne sont pas loin. Fais attention, finit-elle en me serrant vigoureusement la main.
- Attends, tu parles de q...
Je n'eus pas le temps de finir ma question que je sentis mon portable vibrer dans mon sac. Je le sortis et je vis qu'il y avait plusieurs appels en absence. Ceux d'Élyna étaient les plus récents. Y aurait-il un problème au bureau? Je la rappelai sur le champ.

Conversation téléphonique
Moi: Élyna, tout va bien?
Élyna: Oui, j'essayais de vous joindre depuis le matin sans succès. Au fait, l'éditeur a envoyé un mail. Il a beaucoup apprécié votre plume et votre style linguistique. Il trouve également l'intrigue très captivante et la cerise sur le gâteau, il souhaiterait s'entretenir avec vous la semaine prochaine. Je pense que le rendez-vous est à 18h à The River Café, le mardi.
Moi: Ça me réjouit vraiment. T'as vérifié si le mardi j'ai pas de rendez-vous important au bureau?
Élyna: Tout es sous contrôle, madame. Ah j'oubliais, un mystérieux homme était passé au bureau ce matin. Il tenait à vous voir.
Moi: Comment s'appelait-il?
Élyna: Il n'a pas dit son véritable nom mais il m'a dit que vous reconnaîtriez la personne si vous entendez El Mesías (le Messie).
Mon sang se glaça et mon portable en tomba raide par terre, échappant à mes doigts figés et largement écartés. C'était lui...

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