Impostor

53.

[Salvatore]

Fais chier! Je la veux.

Toutes ces années. Putain! Toutes ces foutues années je n'avais et je continuais que de la désirer elle. Après m'être barré comme un collégien qui avait giclé à deux coups de rein lors de sa première fois, j'étais revenu dans sa vie. Encore. Toujours. À jamais.

La revoir m'avait plutôt fait l'effet d'une combustion lente et pénible dans les tréfonds des Enfers. Je pensais peut-être m'emballer et la pencher sur cette table, dans ce restaurant, devant tous les clients, et lui rappeler qui était son véritable premier orgasme. Un orgasme qu'elle n'était pas prête d'oublier. Un orgasme de ce genre, celui qui vous encourait le corps de spasmes et de picotements, chamboulait votre immunité en vous chahutant de frissons, incendiait votre chatte au point qu'il vous faille des sachets de glace pour l'apaiser. En quelques mots, un orgasme digne de la cinématographie pornographique.

Entre temps, j'avais entendu dire qu'elle s'était mariée. Pour une raison évidente, l'homme qu'elle avait épousé était l'assassin de son père. Un beau foutoir, je devais l'avouer. Qui plus encore, elle entretenait une liaison secrète avec un certain Isaiah Blake. Bien entendu, ma petite Kara s'était crue dans une de ces telenovelas qu'aimait bien voir Jerry. Il va sans dire que les rebondissements avaient plutôt été jouissifs. Voir ma Kara dans la peau de la femme fatale, prête à tout pour parvenir à ses fins, au grand dam de sa santé mentale m'avait énormément boosté. En partie, c'était l'une des raisons pour lesquelles j'étais de retour dans son monde. Ou, nuance, elle dans le mien.

Être un don de la mafia nécessitait la discrétion. Suffisamment pour ne pas cligner des yeux face à l'ennemi ou froncer des sourcils, miroitant par ce fait à l'adversaire vos émotions les plus refoulées. Il était également hors de question de s'amouracher d'une quelconque jument si la Familia n'avait pas au préalable mené des enquêtes sur elle et approuvé. Ironique, n'est-ce pas?

Avoir le pouvoir n'a jamais été un jeu d'enfant. Ni un choix. Même le chef n'était pas épargné. Mon père avait souvent l'habitude de scander : « La ruche doit assurer la sécurité de la reine. Et la reine, celle des abeilles. ». Comme quoi, il fallait se plier aux usages. Depuis des siècles, cela n'avait pas changé. Cependant, je commençais farouchement à croire qu'un peu de ménage dans ces satanées règles de famille ne nous éviterait à moi et ma future descendance — celle que j'aurai avec ma Kara — que dispersion et tracas.
Pour le coup, j'emmerde cette foutue règle à cause de laquelle j'avais dû traumatiser la gamine par le passé et buté plus d'un qui s'intéressait de trop près à ma vie privée.

Il était temps que les choses changent. J'étais doué pour manier des armes, des personnes aussi. Mais ce pourquoi j'étais le moins préparé était ça. Ce sentiment étrange de vouloir la posséder jusqu'à la moelle, même après six ans. Elle était devenue une obsession.

La statuette me guignait alors que mes pensées s'entortillaient dans mon esprit fou. Dernièrement, je me muais de plus en plus en overthinker. Comment la reconquérir? J'imagine que je dus le penser à voix haute puisque j'entendis Jerry railler derrière moi :

- Le secret pour la faire retomber folle dingue de toi, c'est de ne absolument rien faire.

Je ne peux pas ne rien faire. Ce serait comme remettre une carcasse de gazelle à un vautour affamé en lui interdisant de ne point la goûter. Une véritable torture.

- Avec ce que tu as orchestré, la connaissant, tu occupes déjà toutes ses pensées, poursuivit-il, une once de mutinerie pointant dans sa voix bourrue.

Comme si ce n'était pas suffisant, sa réverbération sur la surface de la vitrine tintée me glissa un sourire. Je l'ignorai, renversant le brandy mourant dans le fond de mon verre dans ma gorge. Il était assez piquant, épicé, tout ce que j'appréciais. Sans jamais détourner mon attention de l'alebrije, je dis :