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The River Café, Brooklyn, NYC
18 heures

J'avais pris mes précautions pour être à tant et me voilà à attendre depuis près d'une dizaine de minutes. Franchement...

Vive la ponctualité!

Le serveur me jetait par temps des œillades enrobées de sourires aussi faux que les nichons de Kim Kardashian. Peut-être voudrait-il mon numéro? Ou pensait-il que je m'étais faite posée un lapin par mon date? Logiquement, ce n'en était pas un. C'était tout simplement, un rendez-vous avec mon éditeur. Et l'attente en devenait presqu'étouffante. Je tournai mon regard vers l'océan qui luisait magnifiquement sous les dernières projections de l'astre d'Helios. Ce quartier était décidément plein de vie.

Des tablées se formaient autour de moi en dépit des minutes qui s'étiraient et mouraient en me laissant dans l'incertitude. J'en arrivais à me dire qu'il ne viendrait pas. Fais chier!
- Que puis-je vous servir, madame? Ou attendez-vous quelqu'un?

J'avais une terrible envie d'hurler sur le serveur-espion, seulement, le pauvre, je ne pouvais pas lui passer mes nerfs dessus. Mes nombreuses années d'auto thérapie m'intimaient de lui répondre avec le plus grand naturel que possible.
- Effectivement, j'attends quelqu'un, feignis-je un sourire tendu.
- Euh, vous voulez que je vous serve une boisson en attendant? Du vin? Ou du champagne?
- Du rosé m'irait.
- Parfait!
- Toute la bouteille, rajoutai-je.
- Bien noté.

Après qu'il disposa, je sentis comme un lourd poids s'ôter de mes épaules. Ça faisait tellement longtemps que je n'étais plus partie dans un restaurant toute seule. Et à vrai dire, j'en avais les jetons. La pression sociale s'éparpillait dans toutes mes cellules et le sentiment d'être épiée n'en amoindrissait guère mon malaise. Je passai au crible les parages. Rien à signaler. Un long soupir m'échappa.

Mon téléphone s'alluma et le simple fait de voir le prénom de Lauren s'afficher sur l'écran me réjouît profondément.

> De Lauren

J'espère que ton éditeur se rend compte de la formidable personne que tu es. Dans le cas contraire, je débarque et je lui bousille la gueule.

Un petit gloussement s'extirpa de façon inopinée de ma gorge puis je m'assurai que personne ne m'avait entendu rire telle une truie dyspnéique. Je me reconcentrai sur mon portable.

> Il est pas là. Enfin, pas encore, je crois.

Emoji qui pleure. Envoyer.

- ¿Estás pasando una agradable velada? (Tu passes une agréable soirée?)

Cette voix. Non. Mon cœur rata un bond avant de se remettre à pomper furieusement le sang. Lentement, je rencontrai les iris aux tons verts-ocres de Salvatore. Une chaleur intense se déplaçait le long de mes joues jusqu'à se répandre dans mes tympans. Même les pulsations frénétiques de mon pouls ne parvenaient pas à concurrencer l'effet apocalyptique que cet imprévu déteignait sur moi. Une notification secoua mon téléphone. Néanmoins, mes yeux ne pouvaient pas se détacher de l'immense carcasse de cet homme. L'objet de mes anecdotes.
- Qu...qu'est-ce que tu fais ici?
- Comment vas-tu, gamine? s'assît-il en faisant de ma question.

Ma respiration, lourde et saccadée répondait d'elle même. À ce moment, je ne remercierai assez jamais le serveur de s'être pointé avec ma commande. J'avais une franche opportunité de me tirer de cette situation qui m'inspirait la déception et la frustration. Je n'eus malheureusement pas la force de l'en gratifier car trop occupée à dévisager Salvatore. Il m'était impossible d'émettre le moindre mot.
- Tu n'as pas changé, tu sais, se référa- t-il à la bouteille de rosé.

ImpostorWhere stories live. Discover now