19.

47 5 0
                                    

J'étais paralysée. Embrasser? Mais j'ai jamais embrassé quelqu'un moi. Et si je m'y prenais mal? Aussi, c'est qu'il a dit n'importe quelle partie de mon corps. Je dis quoi? Je fais quoi? Fais chier!
J'étais toujours pensive lorsque je sentis ses lèvres se poser sur mon front et sa main me maintenant fermement la tête. J'étais surprise que ce se soit passé aussi simplement. Il me dit ensuite:
- Je risquais de ne pas me retenir si mes lèvres se posèrent autre part que là.
J'avais les pommettes déjà rouges et toutes chaudes. Il se comportait bien avec moi. Il semblait différent du patron dont j'entendais souvent les filles me parler,'fin celles qui prétendaient avoir couché avec lui. Il continua:
-Salvatore ! Et toi? Kara j'imagine.
- Oui, répondis-je timidement.
- Suis-moi!
Il prit les devants et s'orienta vers le jardin. Je le succédai. Nous atteignîmes la paillote qui paraissait scrupuleusement aménagée. De gros coussins circulaires limitèrent un espace nappé, blanc et sûrement comfortable où d'autres coussins, plats et rectangulaires siégeaient. Je vis des couverts majestueusement disposés sur la soie claire, qui couvrait le sol ainsi que deux coupes de champagnes entourant une bouteille de Rosé. Non loin de la paillote, j'aperçus un barbecue d'où s'évaporait une odeur tout bonnement agréable. L'endroit n'était pas trop éclairé mais assez pour me laisser contempler le magnifique festival de couleurs qui s'offrait à mes yeux. Salvatore me laissa entrer la première, témoignant d'une énorme galanterie. Il avait disparu, tout d'un coup pour ne réapparaître qu'avec un plateau rempli de fruits de mer. Il s'assît juste en face de moi et s'occupa du service du repas et de tout le reste. Une légère brise tropicale faisait vaciller par temps les rideaux en mousseline placés à hauteur de la paillote. L'endroit paraissait si calme et paisible...
- C'est mon préféré ce champagne! dis-je en sifflant ma flûte.
- J'ai décidément bon goût alors.
- Peut-être... , avouai-je. Tu cuisines pas mal aussi j'dirais.
- Avoue que c'est une tuerie.
- Un peu oui, mais j'ai goûté mieux.
- T'es juste jalouse de mon art.
- Moi jalouse? Laisse moi rire!
        Il se contenta de sourire. Je me sentis obligée de lui poser cette question qui titillait mon esprit depuis mon arrivée dans ce pays.
- Salvatore!
     Il leva les yeux et sembla m'accorder son attention.
- Pourquoi tu fais cela?
- Sois plus explicite.
- Dis moi, ça te rend heureux de détruire la vie de milliers de jeunes filles juste pour te faire de l'argent sale?
           Il sourit une fois encore avant de reprendre sur un ton froid:
- Dis moi, tu portes quoi en ce moment?
- Là n'est pas la question.
- Répond moi! fit-il en haussant le ton.
            Il avait totalement changé. Ce n'était plus le même gentleman que tout à l'heure. Je pris peur et perdis un instant la capacité de parler. Je finis par répondre, la voix tremblante:
- Un p...pei-gnoir...
- Lève toi! ordonna-t-il. Et retire le peignoir.
- Par...pardon?
- Je déteste me faire répéter.
- Je ne me mettrai jamais nue devant un connard comme toi, pus-je dire en réunissant le peu de cran qui me restait.
- Kara!
- T'es qu'un pauvre enfoiré! lui lançai-je en lui balançant au visage le contenu de ma coupe de champagne.
            Je me levai sur ces mots, au bord d'une crise de nerfs, oubliant que je venais de m'adresser à l'un des plus grands mafieux du pays...
*
Je la voyais partir. Je saisis mon téléphone et commandai Alexa de verrouiller toutes les entrées de la maison. J'étais décidément à fleur de peau. Peut-être m'avait-elle pris pour un plaisantin? Peu importe. Je restais assis là, à attendre qu'elle revienne. Ce qui ne tarda pas à arriver.
- Pourquoi la porte est-elle verrouillée? demanda-t-elle.
Je me levai finalement. Je la vis reculer d'un pas.
- Approche-toi! ordonnai-je.
- Pour que tu me violes? Dans tes rêves!
Je ne pus que rire à sa réponse, aussi stupide qu'infantile. Avais-je vraiment l'air d'un violeur? Je ne crois pas. Je pense qu'il est temps de montrer ma vraie face à cette gamine.
- Fais un pas de plus et je te tire une balle pile entre tes beaux yeux verts, menaçai-je en sortant mon revolver du dos de mon short.
Je l'avais toujours sur moi, que ce soit à la maison ou autre part. Je ne m'en séparais jamais... Je la vis s'arrêter raide, le regard crispé. Je maintenais fermement mon arme, toujours orientée vers elle.
- Tu vois quand tu veux, dis-je en m'approchant d'elle.
Elle s'était bien calmée. Je la voyais mordiller sa lèvre inférieure avec rage et sa respiration très irrégulière me parvenait tel une fanfare le jour du Carnaval de Rio. Une fois que nos deux corps perdirent la notion de distanciation, je baissai mon arme et lui soufflai à l'oreille:
- Tu le fais ou tu préfèrerais que je t'aide?
Elle fut sans réponse. Et comme le dit-on, qui ne dit rien consent. Je dénouai le peignoir qu'elle vêtait; même si elle semblait vouloir s'opposer au début, je la calmai assez vite en lui braquant mon arme sur la tempe. Je fis rouler le long de ses épaules le tissu, blanc et laineux avant de le laisser tomber sur le gazon. Elle avait détourné le regard et tout son corps tremblotait à l'image d'une feuille morte sur le sol. Je la voyais pleurer mais peu importe...
Je m'empressai de lui demander:
- Comment tu te sens maintenant?
Elle ne répondit point. Elle pleurais toujours.
- Je t'ai posé une question, Kara! insistai-je en haussant la voix.
- Que veux-tu que je te dise? émis-t-elle en sanglots, d'une petite voix.
- Je crois pas que tu ai répondu à ma question.
- Mal! cria-t-elle en me tenant tête. Je me sens très mal!
- Et avec le peignoir, tu te sentais comment dis moi?
- Pas moins que mal. Je me sentais tout aussi sale que toi, finit-elle en me jetant un regard rempli de dédain.
- Maintenant dis moi, où est donc la différence entre mon argent et toi?
Elle ne dit plus rien. Je continuai:
- Contrairement à toi, mon argent sale, il peut être blanchi. Mets-toi bien cela dans le crâne, gamine. Rhabille toi à moins que tu préfères attraper froid. Le chauffeur te raccompagnera.
Je m'en allai sur ces mots, un léger pincement au cœur...
[...]
Je me sentais mal. Le trajet n'avait duré que le temps d'un clin d'œil. J'avais pu récupérer mes vêtements, même s'ils étaient mouillés. Je n'avais daigné le regarder en face avant de m'en aller. J'étais humiliée. Je me sentais sale, très sale. Lorsque j'arrivai à la villa, je tombai sur Charly qui papotait dans le salon avec Asha. C'était le privilège des intouchables... À peine eurent-ils posé les yeux sur moi que j'éclatai en sanglots, enchaînant une course désespérée dans les escaliers. J'atteignis enfin la chambre 69 et la première chose qui me vint à l'esprit était d'enlever ces habits qui me rendaient encore plus sale que jamais. J'accourus dans la salle de bain. Et, je n'en sortis que deux heures de temps plus tard, après avoir essayé à maintes reprises de m'enlever cette sensation de « sale ». Mais, mes efforts ne furent que des plus vains...

ImpostorWhere stories live. Discover now