Chapitre 7

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« Nous n'aimons pas les gens de l'île. »

En gros, c'est ce qu'avaient dits les De Fleurie, concernant les nouveaux amis d'Elwina. Elle avait bien été tentée de dire qu'elle n'aimait personne, et que Poséidon, Glaucos ou encore moins Thétis n'étaient pas ses amis, mais la jeune femme s'était contenté d'acquiescer sagement.

Ascelin avait visiblement été furieux de voir que Jacinthe avait laissé la jeune femme seule, ce qui avait permis à ces trois poissons panés de tenter leur approche.

Oui entre les « poissons panés » des uns et les « chiens de garde » des autres, Elwina avait, de toute façon, conclut par elle-même qu'il y avait une certaine rivalité entre les quartiers de Kerdoueziou.

Et, à ses yeux, Berhed et Lou étaient les deux seuls à avoir une position neutre sur le sujet, du moins pour l'instant. Donc, techniquement, c'étaient également les seuls à pouvoir répondre à ses questions. Elle s'était donc rendue à la bibliothèque, ce lundi après-midi, avec la ferme attention de mettre tout ça au clair. Non que ces rivalités de village entre les habitants ne l'intéressent réellement, mais elle allait devoir vivre ici durant au moins une année entière, et il fallait bien qu'elle s'adapte au minimum.

Et puis, elle allait pouvoir profiter de l'occasion pour demander à Lou de lui passer un autre livre sur la mythologie régionale. Le dernier, sur Moger et les Korrigans, ne suffisait pas à satisfaire sa curiosité croissante. Ces derniers jours, elle s'était réveillée plusieurs fois avec cette impression d'avoir fait une nuit agitée, et les seuls souvenirs qu'elle en avait étaient des impressions. Concentration. Satisfaction. Contemplation. Surprise. Son pressentiment, que ses rêves étaient en lien avec le folklore du coin, ne faisait que croître.

La cloche tinta, comme à son habitude, et sa future patronne arriva en trottinant, les bras chargés de cookies :

— Tu tombes à pic ! Je viens de finir une tournée. Goûte-moi ça.

La petite dame se tourna ensuite vers une tête rousse qui dépassait d'une pile de livres :

— Mon petit Louarn, va demander aux clients de l'étage s'ils en veulent ! Puis, elle reposa toute son attention vers la nouvelle venue :

— Eh bien ma belle, qu'est-ce qui t'emmène ?

— J'avais des questions, sur Kerdoueziou. Enfin, sur la dynamique de la ville, c'est compliqué...

— Viens, viens, on va s'asseoir dans un canapé.

Une fois installée, la femme posa un regard interrogateur sur la brunette, qui reprit donc :

— Il y a plusieurs quartiers ici, et je me demandais si tu pouvais m'expliquer leurs différends.

Son interlocutrice plissa des yeux avant de dire :

— Toi, tu as parlé avec ceux de l'île.

Il n'y avait aucune rancune, aucune aigreur dans sa voix. C'était seulement un constat, et Elwina s'était contentée d'hocher la tête pour toute réponse. Berhed expliqua :

— Il y a plusieurs en effet plusieurs quartiers à Kerdoueziou : dix, en tout, si on oublie le centre-ville. Et ces dix quartiers sont tous rivaux les uns des autres, à des degrés différents. Mais le plus important est qu'ils se regroupent en trois ilots : un sur l'île, et deux sur la terre ferme. Attends, attends, je vais te trouver ça.

Berhed s'était levé, pour disparaitre au milieu des étagères remplies, et réapparaitre peu de temps plus tard, un livre ouvert entre les mains. La femme posa l'ouvrage sur les genoux de sa future employée, et remarqua alors la chatte noire qui l'observait avec ses yeux grands ouverts. Elle semblait sortie de nulle part.

La malédiction des chats noirsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant